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    ARBRES qui verdoyez au soleil triomphant,
    O fils harmonieux de la bonne nature,
    Toujours debout, dressant votre fière stature,
    Comment grandirez-vous si rien ne vous défend ?

    La hache sur vos troncs retentit, et vous fend,
    Et vous tombez au sol, avec un long murmure ;
    Un frisson tel agite alors votre ramure
    Qu’on entend, grands vaincus, sur...


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  • J’AI déjà dans mon cœur enterré mille choses,
    Espoirs, rêves, désirs, croyances, fleurs écloses
    Par un matin d’avril et mortes à midi.
    L’art et l’amour surtout comptent là bien des tombes
    Où, loin du ciel de l’aigle et du nid des colombes,
    Dort ce qui fut en moi noble, pur et hardi.

    Mais, tandis que l’on voit, dans tous les cimetières,
    Les fleurs au...

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    La cloche pour les morts a retenti ce soir.
    Qui donc s’en est allé dans la tombe attirante ?
    Quel sombre dédaigneux de la vie, âme errante ?
    La cloche pour les morts a retenti ce soir.

    C’est mon cœur que l’on doit enterrer, ce me semble ?
    Par cette froide nuit où le calme descend.
    Aussi bien il avait besoin, ce cœur qui tremble,
    De la mort...

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    Invideo, invideo quia quiescunt.
    (LUTHER.)

    Le soleil pâlissant du pluvieux automne
    A l’humide horizon d’un ciel terne et blafard
    S’éteint ; et sur Paris, océan qui bourdonne,
    S’abaissent, en tous lieux, des trombes de brouillard.

    Seul errant au hasard, la tristesse dans l’âme,
    D’un oeil morne et glacé, j’observe tour à tour,...

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    À Théodore de Banville.

    J’entends les curieux dire : « Quel âge a-t-elle ? »
    Vienne la mi-novembre, elle aura quarante ans.
    Peu de femmes ont vu la Saint-Martin si belle ;
    Et l’automne rendrait jaloux bien des printemps.

    Par un sang riche et pur sa lèvre est carminée :
    Jamais un grain de fard n’a refleuri son teint ;
    Elle n’a jamais eu...

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    Au loin sous une brume aux épaisseurs profondes,
    L'œil, dans l'obscurité, plus bas que tous les mondes,
    Voit vaguement des fronts énormes s'agiter.
    Tâchant encor d'aider l'homme et de l'assister,
    Ils sont tous là, pensifs, sur de ténébreux trônes,
    Les guides des Sions, des Tyrs, des Babylones,
    Tous ceux que la nature et l'art ont pour docteurs,...

  • Berger du monde, clos les paupières funèbres
    Des deux chiens d’Yama qui hantent les ténèbres.

    Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
    Ouvre sa tombe heureuse et qu’il s’endorme en elle,
    O terre du repos, douce aux hommes pieux !
    Revêts-le de silence, ô terre maternelle,
    Et mets le long baiser de l’ombre sur ses yeux.

    Que le Berger divin chasse...

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    À chaque projet de voyage
    Une blessure s’ouvre en moi.
    — J’ai trop bien aimé des visages
    Pendant des saisons ou des mois !
    Semblant choisir une personne
    — Aigu comme un chat Siamois
    Mon désir fixe s’y cramponne
    De ses yeux clairs, phosphorescents.
    Et je te prends et je me donne
    Et tout redevient innocent :
    Deux fauves vivant...