• Un jardinier dans son jardin
           Avait un vieux arbre stérile;
    C'était un grand poirier, qui jadis fut fertile;
    Mais il avait vieilli, tel est notre destin.
    Le jardinier ingrat veut l'abattre un matin;
           Le voilà qui prend sa cognée.
           Au premier coup l'arbre lui dit:
      « Respecte mon grand âge, et souviens-toi du fruit
           Que je...

  • Ici, c'est un vieil homme de cent ans
    qui dit, selon la chair, Flandre et le sang :
    souvenez-vous-en, souvenez-vous-en,
    en ouvrant son coeur de ses doigts tremblants

    pour montrer à tous sa vie comme un livre,
    et, dans sa joie comme en des oraisons,
    tout un genre humain occupé à vivre
    en ses villes pies d'hommes et d'enfants.

    Or à tous...

  • En languissant et en griève tristesse
    Vit mon las coeur, jadis plein de liesse,
    Puisque l'on m'a donné mari vieillard.
    Hélas, pourquoi ? Rien ne sait du vieil art
    Qu'apprend Vénus, l'amoureuse déesse.

    Par un désir de montrer ma prouesse
    Souvent l'assaus : mais il demande : " où est-ce ? ",
    ou dort (peut-être), et mon coeur veille à part
    En...

  • Mieux qu'aucun maître inscrit au livre de maîtrise,
    Qu'il ait nom Ruyz, Arphé, Ximeniz, Becerril,
    J'ai serti le rubis, la perle et le béryl,
    Tordu l'anse d'un vase et martelé sa frise.

    Dans l'argent, sur l'émail où le paillon s'irise,
    J'ai peint et j'ai sculpté, mettant l'âme en péril,
    Au lieu de Christ en croix et du Saint sur le gril,
    Ô honte !...

  • Le vautour affamé qui du vieil Prométhée
    Becquette sans repos le poumon renaissant,
    Et le vase maudit où le dieu punissant
    Envoya nos malheurs au fol Epiméthée,

    Celui par qui amont est la pierre portée,
    Celui qui altéré vit dans l'eau languissant,
    Celles qui vont en vain leurs cuves remplissant,
    Ce n'est que fiction à plaisir rapportée.

    ...

  • L'on a blâmé Ronsard d'avoir, vieil sacrilège,
    Un noir bouc immolé, l'ayant voulu aimer ;
    Je dis que le menteur qui l'osa diffamer,
    Lui-même aurait bien fait comme Oris de Liège :

    Cet Oris plein des feux de sa mignarde vierge,
    Furieux, à minuit, commença de nommer
    Tout ce qui fut d'affreux en l'Argolique mer,
    Tête nue, pieds nus, tenant en main un...

  • S'il est un charmant gazon
    Que le ciel arrose,
    Où brille en toute saison
    Quelque fleur éclose,
    Où l'on cueille à pleine main
    Lys, chèvrefeuille et jasmin,
    J'en veux faire le chemin
    Où ton pied se pose !

    S'il est un sein bien aimant
    Dont l'honneur dispose,
    Dont le ferme dévouement
    N'ait rien de morose,
    Si toujours ce...

  • Car, ou soit ly sains appostolles
    D'aubes vestuz, d'amys coeffez,
    Qui ne seint fors saintes estolles
    Dont par le col prent ly mauffez
    De mal talant tous eschauffez,
    Aussi bien meurt que filz servans,
    De ceste vie cy brassez :
    Autant en emporte ly vens.

    Voire, ou soit de Constantinobles
    L'emperieres au poing dorez,
    Ou de France le roy tres...

  • La bise geint, la porte bat,
    Un Ange emporte sa capture.
    Noël, sur la pauvre toiture,
    Comme un De Profundis, s'abat.

    L'artiste est mort en plein combat,
    Les yeux rivés à sa sculpture.
    La bise geint, la porte bat,
    Un Ange emporte sa capture.

    Ô Paradis ! puisqu'il tomba,
    Tu pris pitié de sa torture.
    Qu'il dorme en bonne...

  • Tu réveilles en moi des souvenirs confus.
    Je t'ai vu, n'est-ce pas ? moins triste et moins modeste.
    Ta tête sous l'orage avait un noble geste,
    Et l'amour se cachait dans tes rameaux touffus.

    D'autres, autour de toi, comme de riches fûts,
    Poussaient leurs troncs noueux vers la voûte céleste.
    Ils sont tombés, et rien de leur beauté ne reste ;
    Et toi-même...