•  
    Devant votre maison close dans du silence
    Combien je suis allé souvent, par les beaux soirs,
    Avec les gestes fous d’un amant qui balance
    Ses songes dans le vent comme des encensoirs.

    Je n’avais nul espoirs de vous voir apparaître ;
    Dans vos rideaux à fleurs je vous savais dormant ;
    Mais je croyais sentir à travers la fenêtre
    Quelque chose de...

  •  
    L’aboîment des chiens dans la nuit
    Fait songer les âmes qui pleurent,
    Qui frissonnent et qui se meurent,
    À bout de souffrance et d’ennui.

    Ils ne comprennent pas ce bruit,
    Ceux-là que les chagrins effleurent !
    L’aboîment des chiens dans la nuit
    Fait songer les âmes qui pleurent.

    Mais, hélas ! quand l’espoir s’enfuit,
    Et que, seuls...

  • Roule, roule ton flot indolent, morne Seine. —
    Sur tes ponts qu’environne une vapeur malsaine
    Bien des corps ont passé, morts, horribles, pourris,
    Dont les âmes avaient pour meurtrier Paris.
    Mais tu n’en traînes pas, en tes ondes glacées,
    Autant que ton aspect m’inspire de pensées !

    Le Tibre a sur ses bords des ruines qui font
    Monter le voyageur vers...

  • la nuit coupe ronde
    qui dans la laine bleue du calme s’enlise
    vilno ville église
    dort blanche colombe

    enjambant la ruelle cette arcade
    maison serrant la main d’une autre
    c’est figée soudain

    le reverbére leur blafarde
    se panche sur la pave clignote
    et le vent fait vibre le jardin

    la vilia s’allonge
    gronde contre...

  •  
    La rosée arrondie en perles
    Scintille aux pointes du gazon ;
    Les chardonnerets et les merles
    Chantent à l’envi leur chanson ;

    Les fleurs de leurs paillettes blanches
    Brodent le bord vert du chemin ;
    Un vent léger courbe les branches
    Du chèvrefeuille et du jasmin ;

    Et la lune, vaisseau d’agate,
    Sur les vagues des rochers bleus...

  • V

    On croyait dans ces temps où le pâtre nocturne,
    Loin dans l’air, au-dessus de son front taciturne,
    Voyait parfois, témoin par l’ombre recouvert,
    Dans un noir tourbillon de tonnerre et de pluie,
    Passer rapidement la figure éblouie
    ...

  • A Arsène Houssaye.

    Bois frissonnants, ciel étoilé,
    Mon bien-aimé s'en est allé,
    Emportant mon coeur désolé !

    Vents, que vos plaintives rumeurs,
    Que vos chants, rossignols charmeurs,
    Aillent lui dire que je meurs !

    Le premier soir qu'il vint ici
    Mon âme fut à sa merci.
    De fierté je n'eus plus souci.

    Mes regards étaient...

  • C'est la mer : - calme plat - et la grande marée,
    Avec un grondement lointain, s'est retirée.
    Le flot va revenir, se roulant dans son bruit.
    Entendez-vous gratter les crabes de la nuit ?

    C'est le Styx asséché : le chiffonnier Diogène,
    La lanterne à la main, s'en vient errer sans gêne.
    Le long du ruisseau noir, les poètes pervers
    Pêchent : leur crâne...

  • Que chantent les grillons et s'allument les phares !
    Un esprit est venu sur le fleuve houleux
    Réapprendre à nos coeurs des mots miraculeux.
    N'incite plus, ô vent, les feuilles aux bagarres.
    Dans l'air est apparu l'ancien rêve d'amour,
    L'impérissable rêve au chaste et blanc contour.
    Grillons, chantez encore et que brillent les phares !

    Voici notre...

  • Ma chambre garde au coeur une vertu glacée ;
    ce soir d'hiver je suis son plus rude ennemi.
    Mais je puise une faim de victoire et de cris
    dans le silence même où elle est enfoncée.

    Sans peur, sans joie, avec une voix mesurée,
    mûrie et nourrissante à la façon des fruits,
    je dis que mon poème est heureux de la nuit.
    Il se forme et il monte avec un...