• Comment cela se fit !… Eh ! mon Dieu, par hasard !
    En juin, l’autre été, vers minuit, j’allai chez elle,
    Assise au clavecin, elle lisait Mozart ;
    En entrant, je lui dis : « Bonsoir, mademoiselle !… »

    Elle était tout en blanc ainsi qu’une donzelle,
    Ses cheveux, rejetés en arrière et sans art,
    Arrosaient son peignoir ample de filoselle
    Griffé d’une...

  • Il soufflait cette nuit un grand vent de jeunesse.
    Ah ! bonsoir aux soucis maintenant ! Notre Bresse
    A mis à son corsage une fleur de pêcher.
    La vieille fée en Saône a jeté sa béquille,
    Et rit à pleine voix comme une jeune fille.
    Hourrah ! l’amour au bois, l’amour va se cacher !

    Et me voilà parti. Gai comme l’alouette,
    Je m’en vais, fredonnant quelque...

  • En Dordogne, au bas d’un coteau
    Et sur le bord d’une rivière,
    J’habite un semblant de château,
    A peine une gentilhommière.

    Rien n’est paisible et retiré
    Comme cette chère demeure
    Où mes aïeux ont expiré :
    Mon destin veuille que j’y meure !

    Il est vrai, le toit affaissé
    A plus de cent tuiles brisées,
    Les créneaux, roulés au fossé,...

  • Le chêne au tronc géant, à l’épaisse ramure,
    Plonge dans le granit son pivot monstrueux ;
    Et le vivant réseau de sa rugueuse armure
    Déconcerte l’effort des vents impétueux.
    Deux siècles, trois peut-être et même plus encore,
    Pèsent, sans l’incliner, sur son front souverain ;
    Sa grande ombre enveloppe une pente sonore
    Où, de chênes, ses glands ont...

  • Quand je pense à ma vie un grand ennui me prend,
    Et j’ai pitié de voir ma jeune destinée
    S’effeuiller solitaire, humblement résignée,
    Comme une fleur des eaux qu’emporte le courant.

    Je ne m’en émeus plus ni trop ne m’en étonne,
    Car je sais quels débris roulent les plus purs flots ;
    Et, dans un même accord, quels déchirants sanglots
    Ils mêlent si...

  • On vend du muguet blanc sous les portes cochères.
    Le soleil est doux comme une lune de miel.
    Les arbres reverdis font l’éloge du ciel,
    Et les prédicateurs descendent de leurs chaires.

    Il pleut de la gaîté. Tout le monde a vingt ans.
    Le cœur bat follement au fond de la poitrine ;
    La main tremble ; on sourit sans motif ; la narine
    Se grise des parfums...

  • L’automne s’enfuit dans la brume rose
    Et laisse l’hiver maître du jardin.
    Dès son premier pas le tyran morose
    Dirige sur tout son souffle assassin.

    Farouche, il attend le sombre cortége
    Des nuits dont les pleurs forment les glaçons ;
    Et, tout en tissant son linceul de neige,
    Sème autour de lui les mortels frissons.

    Les feuilles, pleuvant,...

  • Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
    Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
    Qui des vents boréens ont lassé les colères,
    Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
    Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
    Inexpugnable bloc d’immobiles guerriers
    Qui sous le choc prochain des rafales nocturnes
    Pour un instant se font tout...

  • Aux pieds d’un sphinx, gardien d’une âpre sépulture,
    Béante sur le seuil du désert au sol roux,
    Des Arabes pensifs, couchés dans leur burnous,
    Caressent l’yatagan qui brille à leur ceinture.

    Rayonnement du front, fierté de la stature,
    Attestent les aïeux dont ils descendent tous ;
    Moïse et Mahomet sous leur double imposture
    Ont courbé cette race à l’...

  • O pays des glaciers, des lacs, des hommes libres,
    Air pur où l’étranger vient retremper ses fibres,
    Sublime réservoir de neige et de granit
    D’où s’épanchent sans fin les fleuves du vieux monde,
    O Suisse ! accepte ici ma tendresse profonde :
    Je t’admire, je t’aime et mon cœur te bénit.

    Ton front est couronné de neiges éternelles ;
    La foudre et le...