• Comme si ses flancs renfermaient une âme,
    Le Vésuve au loin gronde sourdement ;
    Le ciel est zébré de langues de flamme,
    La cendre jaillit du sommet fumant.

    Au pied du volcan la mer fulgurante
    Mugit sur ses bords et sur ses récifs ;
    Dans les frais ravins où s’endort Sorrente,
    Sous les orangers ils restent assis.

    C’est le premier jour que la...

  • Alpes ! forêts, glaciers ruisselants de lumière,
    Sources des grandes eaux où j’ai bu si souvent,
    Sommets ! libres autels où, dans ma foi première,
    J’ai respiré, senti, touché le Dieu vivant ;

    Où la terre a pour moi dénoué sa ceinture,
    Où, dans ses bois obscurs, j’ai rencontré le jour ;
    Où mon cœur s’enivrait, aux bras de la nature,
    D’un mélange sacré...

  • O sereine beauté des cimes couronnées
    Par l’azur qui baignait le front des Pyréncés…

    Depuis que j’erre ainsi, plante déracinée,
    Au gré du vent, du flot, de l’heure ou de l’année,
    Sans jamais espérer de revenir demain, —
    Si propice ou charmant que me fût le chemin, —
    J’avais connu déjà ce déchirement d’...

  • Porphyris te consacre, ô Bakkhos, Dieu du vin,
    Ce thyrse couronné d’une pomme de pin,
    La peau de cerf, longtemps enroulée à ses hanches,
    Ce sistre, ce tambour, ces bandelettes blanches,
    Instruments et témoins de sa jeune fureur !
    Elle ne hante plus les grands bois pleins d’horreur,
    Sous le mystique van, ceinte de la nébride :
    Car sa tête blanchit et...

  • J’estime ces vieilles auberges
    Comme les villes n’en ont pas ;
    Dans leur salle, aux rideaux de serges,
    On fait d’impayables repas.

    La folle bière, aux creux des pintes,
    Prélude aux chansons du dessert ;
    Dans de grandes assiettes peintes
    Un aubergiste lent vous sert

    Quelque fruit ou bien des rillettes
    Comme les fermières en font ;
    Et...

  • Pardonnez-moi, je veux bien être votre amant,
    Je vous trouve excitante et vous l’êtes, ma chère ;
    Mais je dois avant tout vous parler franchement :
    Pauvre, on réside aux champs où la vie est peu chère.

    Oui, madame, je suis un homme absolument
    Agreste, ancré parmi la ronce et la jachère,
    Je panse de mes mains ma vache et ma jument.
    (Vous feriez, j’en...

  • N’étant plus qu’un brouillard vermeil,
    L’horizon dans la nuit recule :
    Je voudrais, comme le soleil,
    Mourir dans l’or d’un crépuscule !

    Sentir l’universel émoi,
    Suivre au loin ma trace blanchie
    Et, d’une grande ombre, après moi,
    Laisser la terre rafraîchie ;

    Descendre seul dans mon tombeau,
    Mais léguer mon âme à la nue
    Pour y...

  • Cinq heures. — Je me lève et je passe au jardin.
    O fraîcheur, ô silence, ô minute d’Éden !
    O solitude, ô paix ! l’aurore vient de naître.
    Nul voisin ne se montre encore à sa fenêtre !
    Le soleil, aux rayons à peine réveillés,
    Éclabousse de feux les feuillages mouillés.
    Tout est charmant et pur ! et mon regard se pose,
    Candide et réjoui, sur une jeune...

  • Maître de Ravenswood, le cheval allait vite
    Dont le pied labourait les dunes, ce matin,
    Lorsque du haut des monts je surpris votre fuite.

    La rosée emperlait la fougère et le thym
    Au bas du vieux donjon qui vous avait vu naître
    Et qui vous vit alors combler votre destin.

    Voici que de là-bas je crus vous reconnaître
    Aux premières lueurs qui blanchirent...

  • Un jour, — pardonnez-moi ce crime, ô grands plastiques !
    Un jour, je promenais dans le Louvre, aux Antiques,
    Mes rêves d’art intime et de modernité.
    Le Musée est très-frais et très-calme, en été.
    Après le Carrousel torride et son asphalte,
    Il est doux, par les jours trop chauds, d’y faire halte ;
    Car la sérénité des vieux marbres d’Hellas
    Rafraîchit le...