• Reste ainsi, ne fais pas un geste,
    Ne quitte pas ton escabeau ;
    Poursuis ta besogne modeste,
    A côté d’un pâle flambeau.

    Mon cœur est plein, mon œil se mouille,
    Lorsque, seule et baissant les yeux,
    Je te vois filer ta quenouille
    A ce foyer silencieux.

    Les obscures vertus de l’âme,
    Le dévoûment et la bonté,
    Prêtent au front de l’...

  • Ma vieille canne au bout ferré,
    Tu supportes ma lassitude !
    Avec toi, pas d’inquiétude
    Où que mon pied soit empêtré !

    Quand, pâle comme un déterré,
    Je marche dans la solitude,
    Ma vieille canne au bout ferré,
    Tu supportes ma lassitude.

    Aussi longtemps que je vivrai,
    À toi ma franche gratitude !
    Si pleine de sollicitude,
    Tu...

  • Quand j’ai ma pipe en merisier,
    Toute mon âme se parfume ;
    Et je la fume et la refume,
    Sans pouvoir me rassasier.

    Cet automne, à son cher brasier,
    J’ai nargué le vent et la brume.
    Quand j’ai ma pipe en merisier
    Toute mon âme se parfume.

    Elle n’a qu’un tuyau d’osier ;
    Mais les vers coulent de ma plume,
    Toutes les fois que je l’...

  • Comme des mains
    Coupées,
    Les feuilles choient sur les chemins,
    Les prés et les cépées.

    La vieille au mantelet de cotonnade,
    Capuchon bas jusqu’au menton,
    À sauts menus, sur un bâton,
    Trimballe aux champs sa promenade.

    Taupes, souris, mulots et rats
    Trottent et radotent après ses pas.

    Comme des mains
    ...

  •  

    Dors, fouillis vénéré de vieilles porcelaines
    Froides comme des yeux de morts, tous clos, tous froids,
    Services du Japon qui disent l’autrefois
    De maints riches repas de belles châtelaines !

    Ton bois a des odeurs moites d’anciennes laines,
    Parfums de choses d’or aux fragiles effrois;
    Tes tasses ont causé sur des lèvres de rois
    De leurs Hébés...

  • Au bas de la route inclinée,
    Où se croisent quatre chemins,
    Comme un grand fantôme sans mains
    Se dresse une croix surannée.

    Mais la farouche abandonnée
    Brave encor bien des lendemains,
    Au bas de la route inclinée
    Où se croisent quatre chemins.

    Et la croix manchote et minée,
    De l’âge des vieux parchemins,
    Épouvante les yeux humains...

  •  
    À M. Alfred Guérard.

    Le désœuvré qui flâne aux ventes de l’encan
    Voit encore exhiber de ces vieilles guitares
    Qui chantèrent l’amour autrefois... Dieu sait quand !...
    Les chevilles s’en vont et les cordes sont rares.

    On aperçoit le cuivre aux anciens fils d’argent,
    Et la touche d’ivoire est absente ou jaunie.
    Sous le toit d’un grenier...

  •  
    C’était un lieu charmant, une roche isolée,
    Seule, perdue au loin dans la bruyère eu fleur ;
    La ronce y rougissait, et le merle siffleur
    Y jetait les éclats de sa note perlée.

    C’était un lieu charmant. Là, quand les feux du soir
    Empourpraient l’horizon d’une lueur mouvante,
    En écartant du pied la luzerne odorante,
    Tout rêveurs, elle et moi,...

  •  
    DANS le vieil hôtel catholique
    J’aime surtout la grande cour
    Où veille un fantôme de tour
    Sur lequel un lierre s’applique.

    Un platane mélancolique
    Y garde avec un vague amour
    Une urne à l’austère contour
    Où dort, sans doute, une relique

    Dans sa niche aux coins vermoulus
    La vieille Pomone n’a plus
    De fruits à sa tête meurtrie...

  • Neige endolorissante et morne, tu déroules
    Ta nappe liliale au toit cher que je sais,
    Neige endolorissante, ô neige qui t’écroules !

    Et la maison vieillote aux carreaux verts cassés
    A des airs de jeunesse et de pâle frileuse
    Et ne se souvient plus des contes jacassés :

    Des contes jacassés, au soir, par la fileuse,
    En la cuisine antique où le pot...