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        L’espoir de vivre ailleurs des jours clairs m’abandonne
        Et je célèbre ici la fête de l’automne.

        Au-dessus de ma porte, avec un regret doux
        Et chantant, je suspends les guirlandes d’or roux

        Qu’une femme au regard que nulle mort n’étonne
        Vint tresser, en pleurant sur la mort de l’automne…

        Ma maîtresse d’hier, nous ne...

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    J’entends les chevaux de l’ombre, secouant leurs lourdes crinières,
    Leurs sabots lourds de tumulte, leurs yeux luisant d'un blanc éclat.
    Le Septentrion déroule sur eux la nuit lente et insidieuse,
    L’Orient dit toute sa joie secrète avant le point du jour,
    L’Occident pleure sa pâle rosée et soupire en trépassant,
    Le Midi voudrait les couvrir de roses de...

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    Les ténèbres du soir sont l’obscure muraille
    Que chaque nuit élève entre la vie et nous,
    Derrière qui, fugace et sinistrement doux,
    L’invisible se meut comme un spectre, et nous raille.

    L’homme se trouble alors et n’ose pas savoir
    Si cette Sœur muette a nos pas attachée,
    Et que nous appelons notre ombre, s’est cachée
    Pour nous laisser plus...

  • LE VIEUX MONDE

    O flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
    Jamais ton flux encor n'était monté si haut.
    Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
    Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
    Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
    Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
    Ta vague monte avec...

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    ... Et quos fumantia torquens
    Aequora, gurgitibus Phlogethon perlustrat anhelis.
    C. CLAUDIANI de raptu Proserpinae.

    Ce n’est pas, tel qu’Orphée, en héros de l’Amour
    Que j’ai, bravant l’Érèbe et devançant la Moire,
    Sans obole, passé le fleuve sans mémoire
    Dont l’onde bat sans bruit la rive sans retour.

    J’...

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    Je suis fait d’ombre et de marbre.
    Comme les pieds noirs de l’arbre,
    Je m’enfonce dans la nuit.
    J’écoute ; je suis sous terre ;
    D’en bas je dis au tonnerre :
    Attends ! Ne fais pas de bruit.

    Moi qu’on nomme le poète,
    Je suis dans la nuit muette
    L’escalier mystérieux ;
    Je suis l’escalier Ténèbres ;
    Dans mes spirales funèbres...

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    Notre forme au soleil nous suit, marche, s’arrête,
    Imite gauchement nos gestes et nos pas,
    Regarde sans rien voir, écoute et n’entend pas,
    Et doit ramper toujours quand nous levons la tête.

    A son ombre pareil, l’homme n’est ici-bas
    Qu’un peu de nuit vivante, une forme inquiète
    Qui voit sans pénétrer, sans inventer répète,
    Et murmure au Destin...

  • I

    Ma vie entre déjà dans l’ombre de la mort,
    Et je commence à voir le grand côté des choses.
    L’homme juste est plus beau, terrassé par le sort ;
    Et les soleils couchants sont des apothéoses.

    Brutus vaincu n’a rien dont s’étonne Caton ;
    Morus voit Thraséas et se laisse proscrire ;
    Socrate, qu’Anitus fait boire au Phlégéthon,...

  • XXXII

    Il lui disait : — Vos chants sont tristes. Qu’avez-vous ?
    Ange inquiet, quels pleurs mouillent vos yeux si doux ?
    Pourquoi, pauvre âme tendre, inclinée et fidèle,
    Comme un jonc que le vent a ployé d’un coup d’aile,
    Pencher...

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    DANS les branches le vent souffle une faible plainte ;
    Je l’écoute gémir dans la lumière éteinte.
    La lune a disparu, les étoiles ont fui.
    On ne voit rien bouger. On n’entend que le bruit
    Du feuillage qui tremble et du pas qui résonne.
    Le silence nocturne au son des mots frissonne.
    D’une fenêtre, où brille un feu de lampe bleu,
    Monte une...