• L’Éternel s’ennuyait dans l’immensité vide ;
    Rien n’existait. C’était le règne du Néant.
    Du fond de l’Infini, gouffre morne et béant,
    Un hymne répondit à son désir avide.

    De ce désir, le Monde avait jailli, splendide.
    Il avait dévoilé sa face en le créant,
    Et l’homme, nain sublime aux instincts de géant,
    L’adorait humblement dans son âme candide....

  •  
    À Leconte de Lisle.

    I

    Cypris au sein neigeux était née, et les flots
    Qui se pâment avec d’ineffables sanglots
    Sous le regard ami des étoiles flottantes,
    Adoraient de ses pieds les blancheurs éclatantes.
    Pensive, elle rêvait sur son berceau houleux ;
    L’azur était resté fixé dans ses yeux bleus,
    L’écume rougissait près d’...

  • De sa profonde mère, encor froide et fumante,
    Voici qu’au seuil battu de tempêtes, la chair
    Amèrement vomie au soleil par la mer,
    Se délivre des diamants de la tourmente.

    Son sourire se forme, et suit sur ses bras blancs
    Qu’éplore l’orient d’une épaule meurtrie,
    De l’humide Thétis la pure pierrerie,
    Et sa tresse se fraye un frisson...

  •  
    Quand la mer eut donné ses perles à ma bouche,
    Son insondable azur à mon regard charmant,
    Elle m’a déposée, en laissant à ma couche
    Sa fraîcheur éternelle et son balancement.

    Je viens apprendre à tous que nul n’est solitaire,
    Qu’Iris naît de l’orage et le souris des pleurs ;
    L’horizon gris s’épure, et sur toute la terre
    L’Érèbe encor brûlant s...

  • Nous sommes les anges que l’on ne peut pas voir
    parce que notre corps est en air et dans l’air.
    Nous pleurons de joie sur les mendiants amers
    quant pleut sur eux la pluie douce des sous verts et noirs.
    Nous ne connaissons pas les noms propres célèbres,
    car que nous fait à nous que la Terre soit ronde,
    car que nous fait à nous que la Mer soit profonde ?...

  •  
    L’enfant-poète, au seuil de ses jours, entendit
    Une voix frémissante et sombre qui lui dit :

    « Tu souffriras ! Ta mère en larmes va maudire
    La nuit où son amour a conçu son martyre,
    Quand elle te verra, déjà pâle et rêveur,
    Mordre en pleurant son sein comme un fruit sans saveur !

    Enfant, tu laisseras les enfants de ton âge
    Rire, chanter,...

  • Le Soleil se leva, ce matin-là, si terne,
    Que l’on eût dit un « bren » au fond d’une citerne.
    Ce n’était pas, comme on peut croire, au ciel brouillé,
    Un soleil qui n’est point encor débarbouillé
    Des brumes de la nuit, ni, non plus, une éclipse…
    Les savants qui déchiffreraient l’Apocalypse,
    En auraient informé depuis longtemps. Oh ! non,
    Ce qu’on voyait...

  • Par une rue étroite, au cœur du vieux Paris,
    Au milieu des passants, du tumulte et des cris,
    La tête dans le ciel et le pied dans la fange,
    Cheminait à pas lents une figure étrange :
    C’était un grand vieillard, sévèrement drapé,
    Noble et sainte misère, en son manteau râpé.
    Son œil d’aigle, son front argenté vers les tempes,
    Rappelaient les fiertés des...

  • Versez du sang ! frappez encore !
    Plus vous retranchez ses rameaux,
    Plus le tronc sacré voit éclore
    Ses rejetons toujours nouveaux !
    Est-ce un dieu qui trompe le crime ?
    Toujours d'une auguste victime
    Le sang est fertile en vengeur !
    Toujours échappé d'Athalie
    Quelque enfant que le fer oublie
    Grandit à l'ombre du Seigneur !

    Il est né l'...