Quand la mer eut donné ses perles à ma bouche,
Son insondable azur à mon regard charmant,
Elle m’a déposée, en laissant à ma couche
Sa fraîcheur éternelle et son balancement.
Je viens apprendre à tous que nul n’est solitaire,
Qu’Iris naît de l’orage et le souris des pleurs ;
L’horizon gris s’épure, et sur toute la terre
L’Érèbe encor brûlant s’épanouit en fleurs.
Je parais, pour changer, reine des harmonies,
Les rages du chaos en flottantes langueurs ;
Car je suis la beauté : des chaînes infinies
Glissent de mes doigts blancs au plus profond des cœurs.
Les parcelles de l’air, les atomes des ondes,
Divisés par les vents se joignent sur mes pas ;
Par mes enchantements comme assoupis, les mondes
Se cherchent en silence et ne se heurtent pas.
Les cèdres, les lions me sentent, et les pierres
Trouvent, quand je les frappe, un éclair dans leur nuit ;
Ardente et suspendue à mes longues paupières,
La vie universelle en palpitant me suit.
J’anime et j’embellis les hommes et les choses ;
Au front des Adonis j’attire leur beau sang,
Et du sang répandu je fais le teint des roses ;
J’ai le moule accompli de la grâce en mon flanc.
Moi, la grande impudique et la grande infidèle,
Toute en chaque baiser que je donne en passant,
De tout objet qui touche apportant le modèle,
J’apporte le bonheur à tout être qui sent.