• Sur un blanc tilleul un beau ramier pleure.
    Un beau page en pleurs parcourt la forêt.
    « Ramier, doux ramier, quel chagrin t’effleure ?
    Cher petit oiseau, dis-moi ton secret ?

    — Un dur épervier m’a pris ma compagne.
    Nous étions perchés sur ce blanc tilleul !
    Il a fui là-bas, loin, dans la campagne,
    Emportant ma vie, & je reste seul.

    — Ramier...

  • Au détour d’un chemin venu des pics déserts
    Où gronde sans répit le bruit des avalanches,
    On découvre un joyeux bourg, dont les maisons blanches
    Baignent languissamment dans un lac aux flots clairs.

    Le cœur s’épanouit quand sort des rameaux verts
    Ce bourg où tous les jours sont pareils aux dimanches,
    Et l’on voudrait alors s’y blottir sous les branches...

  • Lorsque la sympathie, en ses palais dorés,
    Berce les cœurs épris entre ses ailes blanches,
    L’amour & l’amitié ployant leurs vertes branches
    Sur eux font incliner leurs beaux fruits diaprés.

    Mais combien, tout d’abord, sont, hélas I enivrés
    Qui s’en vont préférant les pavots aux pervenches,
    L’amour sur ses versants labourés d’avalanches
    A l’amitié...

  • A l’Impruneta les filles sont belles !
    Des ailes aux pieds, dans l’œil du soleil,
    La tête aux aguets comme les gazelles,
    Le sein, droit & fier, aux rosiers pareil.
    A l’Impruneta les filles sont belles.

    A l’Impruneta les gars sont hardis !
    Chevelure éparse où la brise joue ;
    Ils seront soldats, bergers ou bandits.
    Une pourpre chaude allume...

  • Le présent, le passé, l’avenir d’une femme,
    Des gens fort sérieux prétendent tout avoir.
    Ils prendraient volontiers son image au miroir,
    Au papillon son aile, au diamant sa flamme.

    Dans l’abîme insondable ils aimeraient à voir,
    Avec leurs gros yeux ronds, ces bourgeois de vieux drame,
    La perle blanche éclose aux profondeurs de l’âme,
    Ils seraient...

  • En l’an du Christ quinze cent treize,
    Un jour, la Discorde & le Vent,
    Par la Beauce, tout à leur aise
    Cheminaient, au soleil levant.
    Devisant ensemble ; ils arrivent
    Dans la ville de Chartres ; puis,
    Après vingt cercles qu’ils décrivent,
    Ils prennent la Ruelle-au-Puits
    Qui longe, en étroite spirale,
    Le flanc nord de la cathédrale...

  • A cheval & frisé comme un jeune garçon,
    César Borgia, le prince au visage impassible,
    Sur des hommes vivants, pour tirer à la cible,
    S’avance l’arc en main & la trousse à l’arçon.

    Les malheureux sont là courbés sous le frisson,
    Effarés & fuyant la boucherie horrible.
    Lui, cependant, sourit de voir ces gens qu’il crible
    Tomber sur le pavé d...

  • Dans les bois ténébreux de l’infernal empire
    Cœnis traîne à pas lents le poids de ses douleurs ;
    Elle passe, revient, & jamais un sourire
    De son front abattu n’anime les pâleurs.

    Vivante, elle eut l’amour du roi des eaux marines,
    Puis trahie, elle obtint de son divin amant
    La faveur d’échanger ses grâces féminines
    Contre un sexe moins doux &...

  • A l’époque où le soin de surveiller sa terre
    Fait les loisirs d’Horace au magistrat austère,
    Quand le soleil tardif, en humeur de chômer,
    Délivre son permis de chasse au Sagittaire,
    Avec le droit — de s’enrhumer,

    J’y grimpais quelquefois par la Sente à la chèvre,
    ...

  • Par un bienfait des destinées,
    D'accord avec ma grand’ maman,
    J’ai vécu mes jeunes années
    Sur le pâtis de l’Isle-Adam.

    J’ai poussé dans de l’herbe folle,
    Comme un modeste liseron.
    Je gaminais, après l’école,
    Avec le trèfle & le mouron.

    Quand je partis pour le collége,
    Les moindres brins, mes chers amis,
    Semblaient me plaindre....