• Comme une sombre histoire encor douce & chérie
    Laisse nos deux noms sommeiller !
    Du mal d’avoir aimé je ne suis point guérie :
    Je ne veux point me réveiller !

    Prends garde à ton regard qui peut...

  • La rivière aux flots bleus rêve les soirs d’été.
    Elle dessine au loin sa courbe gracieuse
    Pour se perdre dans l’ombre ; & le saule & l’yeuse
    Reflètent leurs rameaux dans sa limpidité.

    L’air est sans bruit, le ciel plein de sérénité.
    La rive se recueille & dort silencieuse.
    Tout repose. Voici l’heure mystérieuse
    Faite de calme intense...

  • J’aime tes belles mains longues & paresseuses,
    Qui, pareilles au lis, n’ont jamais travaillé,
    Mais savent le secret des musiques berceuses
    Qui parlent à voix lente au cœur émerveillé. —
    J’aime tes belles mains longues & paresseuses.

    J’aime tes petits pieds vifs & spirituels,
    Petits pieds éloquents de la cheville aux pointes,
    Que les saints...

  • Un beau soir, par une lunette
    Je contemplais les vastes cieux
    Et voyais là chaque planète
    Suivre son cours mystérieux,
    La plus distante de la terre,
    Saturne à l’imposante sphère,
    Captivait surtout mes pensers,
    Et sur sa rondeur lumineuse,
    D’une façon presque fiévreuse,
    Je tenais mes regards fixés.

    Comme un roi dans les plaines brunes...

  • Je la suivais, frôlant du pied sa robe blanche
    Qui traînait en longs plis sur les herbes du pré,
    Et livrait le secret des lignes de sa hanche
    Aux regards alanguis de Vesper empourpré.

    Elle allait… & sa main qui sortait de sa manche
    Toute mignonne & douce, oiseau d’ivoire ambré,
    D’un geste de statue élevait une branche
    Qu’elle avait arrachée...

  • Des vases blancs & bleus sur leurs tiges dorées,
    Droits, & fiers de la pourpre exotique des fleurs ;
    Une lampe d’albâtre avivant ses pâleurs,
    Clair de lune neigeux & calme des soirées ;

    Des panneaux, où la main féminine agrafa
    Sur le satin, lamé d’or & d’argent, des armes ;
    Un sachet, exhalant la fleur des anciens charmes
    Dans l’...

  • Pierre, le Bien-Nommé, revient de Palestine.
    Jadis il est sorti, bardé de fer, & tel
    Il rentre sous la porte antique du castel
    Qu’une fière devise à la gloire destine.

    Dans l’oratoire bleu madame Valentine
    Pour l’époux éloigné tremble au pied de l’autel,
    Et de blancs chérubins vers le Père immortel
    Guident, le long des cieux, la prière enfantine...

  • Les Titans sont tombés : — dans l’air silencieux
    Leur sang pur monte encore, &, comme une fumée,
    Emporte dans les cieux leur âme consumée
    Des rêves éternels qu’ils avaient pris aux cieux.

    La terre, maternelle aux cœurs audacieux,
    Sur ses enfants meurtris lentement s’est fermée ;
    Mais, pour longtemps tari, son flanc capricieux
    Tira de leur semence...

  • Lorsque Jésus fut mort, & comme une auréole
    S’allumait bleue au front blanc du Nazaréen,
    Plus pâle qu’un cadavre & plus tremblant qu’un chien,
    Le bon larron, prenant brusquement la parole :

    « Compagnon, que dis-tu de tout ceci ? — Moi ? Rien,
    Répondit le mauvais larron, Rien, âme molle,
    Rien, ô cerveau chétif qu’un tel prodige affole,
    Sinon qu...

  • Ce jour, premier septembre, un beau coléoptère
    (Clytus arcuatus de Fabrice ou Linné)
    Voltige soucieux. Ce tardif nouveau-né
    Ne pourra découvrir aucun des siens sur terre.

    Dans la grande forêt au multiple mystère,
    De tant d’hôtes vivants Éden prédestiné,
    Sur ses bûches de chêne il va, vient, condamné,
    Pauvre être intempestif, à mourir solitaire...