• Une fois j’aperçus, au fond d’un pêle-mêle
    De ronces, de cailloux & de buissons obscurs,
    Une rose pendue au bout d’un rameau frêle,
    Qui se mourait, fanée, à l’angle de deux murs.

    Elle avait fleuri là sans fraîcheur & sans gloire :
    Un peu de rouge à peine égayait sa pâleur,
    Et sa forme indécise, à travers l’ombre noire,
    Reluisait vaguement...

  • Nos coteaux, les plus purs de tous & les plus doux,
    Que, n’eût été la Grèce, auraient choisis les faunes,
    Au bas de leurs sentiers poudrés de sables jaunes
    Ont comme une hydre énorme éparse à leurs genoux.

    La Ville nous fascine, étant moins près de nous,
    Avec ses tours aussi royales que des trônes ;
    Horizontale, bleue & blanche entre les cônes...

  • Du grand roc Alburno les bergers aux traits hâves
    Ont surnommé Pœstum l’antre des vals pourris,
    Stigmatisant ainsi, taciturnes & graves,
    La luxure où sombra cette autre Sybaris.

    Mais ceux de Campanie honorent les débris
    Qu’incrusta sur leurs monts la ville des esclaves ;
    La légende a toujours appelé lieu des braves
    Ces murs...

  • Visible affreusement dans le courroux des mers,
    C’est bien toi, Poséidôn ! que brave en mots amers
    Ajax, le noir trident suspendu sur sa tête ;
    Prométhée, appelant la foudre qui s’apprête,
    A vu Zeus se dresser & les cieux obscurcis
    Trembler au froncement des terribles sourcils :
    Et c’est pourquoi nul temps n’effacera la gloire
    De ces défis gravés...

  • Un coffret de cuir fauve à l’écusson d’or plat
    Contient les deux flacons de cristal vert & rouge ;
    Dans le fond, par moments, un liquide qui bouge
    Sous l’étui de velours amortit son éclat.

    Ouvrez l’un d’eux. La plus limpide des essences
    Y nage, & fait monter subtilement dans l’air,
    Comme une apothéose, un tableau vague & cher
    Des soirs,...

  • Ahod fut un pasteur opulent dans la plaine.
    Sa femme, un jour d’été, posant sa cruche pleine,
    Se coucha sous un arbre au pays de Béthel,
    Et, s’endormant, elle eut un songe, qui fut tel :

    D’abord il lui sembla qu’elle sortait d’un rêve
    Et qu’Ahod lui disait : « Femme, allons, qu’on se lève.
    Aux marchands de Ségor, l’an dernier, j’ai vendu
    Cent brebis...

  • Il faudrait, pour quitter la ville, un vieux bateau,
    Suivant l’eau lentement, sans voiles & sans rames.
    Sur des nuages blancs aussi blancs que des femmes,
    Le ciel d’été, l’azur étendrait son manteau.

    Serré dans le granit comme dans un étau,
    Le fleuve mord ses bords & glisse en courtes lames ;
    Et la ville aux toits bleus tout pailletés de flammes...

  • Vivant, cet homme était une âme basse & vile :
    Il avait insulté, calomnié, menti,
    Vendu sa conscience & trahi son parti ;
    Ses mains gardaient le sang de la guerre civile.

    Rien n’avait fatigué sa lâcheté servile.
    Le mépris sur son nom s’était apesanti,
    Et, debout sous la honte, il n’avait rien senti.
    Nul ne saluait plus l’infâme par la ville....

  • Le Bouddha rêve, ayant dans ses mains ses orteils.

    Pourna dit : « Les esprits affranchis sont pareils
    Au libre vent du nord dans le ciel sans nuage !
    Grimpant les rocs, passant les fleuves à la nage,
    Aux peuples très-lointains des bords très-reculés,
    Pour qu’ils soient délivrés et qu’ils soient consolés,
    Maître, j’apporterai ton dogme secourable.

    —...

  • La bonté du soleil n’apaise pas nos yeux.
    Nous avons les prés clairs où l’eau met des buées,
    Les collines aux plis charmants continuées
    En des bandes couleur de perle au bord des cieux.

    Nos chênes sont si hauts, si vaillants & si vieux
    Qu’ils connaissent la foudre & parlent aux nuées.
    Les forêts de cent ans que l’on n’a pas tuées
    Sont les...