Théophile Gautier

  • Le monde est méchant, ma petite :
    Avec son sourire moqueur
    Il dit qu’à ton côté palpite
    Une montre en place de cœur.

    — Pourtant ton sein ému s’élève
    Et s’abaisse comme la mer,
    Aux bouillonnements de la sève
    Circulant sous ta jeune chair.

    Le...

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    Si, comme Pétrarque et le vieux Ronsard,
    Viole d’amour ou lyre païenne,
    De fins concettis à l’italienne
    Je savais orner un objet plein d’art,

    Je vous en ferais, fée au bleu regard,
    Dans le pur toscan que l’on parle à Sienne
    Ou dans un gaulois de...

  • Un oiseau siffle dans les branches
    Et sautille gai, plein d’espoir,
    Sur les herbes, de givre blanches,
    En bottes jaunes, en frac noir.

    C’est un merle, chanteur crédule,
    Ignorant du calendrier,
    Qui rêve soleil, et module
    L’hymne d’avril en février....

  • La beauté, dans la femme, est une mélodie
    Dont la toilette n’est que l’accompagnement.
    Vous avez la beauté. — Sur ce motif charmant,
    À chercher des accords votre goût s’étudie :

    Tantôt c’est un corsage à la coupe hardie
    Qui s’applique au contour, comme un baiser d...

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    J'aime les vieux tableaux de l'école allemande ;
    Les vierges sur fond d'or aux doux yeux en amande,
    Pâles comme le lis, blondes comme le miel,
    Les genoux sur la terre, et le regard au ciel,
    Sainte Agnès, sainte Ursule et sainte Catherine,
    Croisant leurs...

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    Virginité du cœur, hélas ! si tôt ravie !
    Songes riants, projets de bonheur et d’amour,
    Fraîches illusions du matin de la vie,
    Pourquoi ne pas durer jusqu’à la fin du jour ?

    Pourquoi ?… Ne voit-on pas qu’à midi la rosée
    De ses larmes d’argent n’enrichit...

  • Sur l’eau bleue et profonde
    Nous allons voyageant,
    Environnant le monde
    D’un sillage d’argent,
    Des îles de la Sonde,
    De l’Inde au ciel brûlé,
    Jusqu’au pôle gelé...

    Les petites étoiles
    Montrent de leur doigt d’or
    De quel côté les voiles...

  • …meae puellae
    Flendo turgiduli rubent ocelli.
    V. CATULLUS.

    Ne pleure pas…
    DOVALLE.

    De tes longs cils de jais que ta main blanche essuie,
    Comme des gouttes d’eau d’un arbre après la pluie,
    Ou comme la rosée...

  •                C’est un marais dont l’eau dormante
                   Croupit, couverte d’une mante
                   Par les nénuphars et les joncs :
                   Chaque bruit sous leurs nappes glauques
                   Fait au chœur des grenouilles rauques...

  • Sur les tuiles où se hasarde
    Le chat guettant l’oiseau qui boit,
    De mon balcon une mansarde
    Entre deux tuyaux s’aperçoit.

    Pour la parer d’un faux bien-être,
    Si je mentais comme un auteur,
    Je pourrais faire à sa fenêtre
    Un cadre de pois de senteur,...