Théophile Gautier

  • Taisez-vous, ô mon cœur ! taisez-vous, ô mon âme !
    Et n’allez plus chercher de querelles au sort ;
    Le néant vous appelle et l’oubli vous réclame.

    Mon cœur, ne battez plus, puisque vous êtes mort ;
    Mon âme, repliez le reste de vos ailes,
    Car vous avez tenté votre...

  • Seul, le coude dans la plume,
    J’ai froissé jusqu’au matin
    Les feuillets d’un gros volume
    Plein de grec et de latin ;

    Car nulle étroite pantoufle
    Ne traîne au pied de mon lit,
    Et mon chevet n’a qu’un souffle
    Sous ma lampe qui pâlit.

    Cependant des...

  • De leur col blanc courbant les lignes,
    On voit dans les contes du Nord,
    Sur le vieux Rhin, des femmes-cygnes
    Nager en chantant près du bord,

    Ou, suspendant à quelque branche
    Le plumage qui les revêt,
    Faire luire leur peau plus blanche
    Que la neige de...

  • Vous voulez de mes vers, reine aux yeux fiers et doux !
    Hélas ! vous savez bien qu’avec les chiens jaloux,
    Les critiques hargneux, aux babines froncées,
    Qui traînent par lambeaux les strophes dépecées,
    Toute la pâle race au front jauni de fiel,
    Dont le bonheur d’...

  • Hélas ! il est cloué sur les croix du Caucase,
    Le Titan qui, pour nous, dévalisa les cieux !
    Du haut de son calvaire il insulte les dieux,
    Raillant l’Olympien dont la foudre l’écrase.

    Mais du moins, vers le soir, s’accoudant à la base
    Du rocher où se tord le grand...

  • Dans mon harem se groupe,
        Comme un bouquet
    Débordant d’une coupe
        Sur un banquet,
    Tout ce que cherche ou rêve,
        D’opium usé,
    En son ennui sans trêve,
        Un cœur blasé ;

    Mais tous ces corps sans âmes
        Plaisent un jour...
    ...

  • Vous ne connaissez pas les molles rêveries
    Où l’âme se complaît et s’arrête longtemps,
    De même que l’abeille, en un soir de printemps,
    Sur quelque bouton d’or, étoile des prairies ;

    Vous ne connaissez pas cet inquiet désir
    Qui fait rougir souvent une joue ingénue...

  • Dans le Jardin Royal ou l’on voit les statues,
    Une Chimère antique entre toutes me plait ;
    Elle pousse en avant deux mamelles pointues,
    Dont le marbre veiné semble gonflé de lait ;

    Son visage de femme est le plus beau du monde ;
    Son col est si charnu que vous l’...

  • Soulève ta paupière close
    Qu’effleure un songe virginal ;
    Je suis le spectre d’une rose
    Que tu portais hier au bal.
    Tu me pris encore emperlée
    Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
    Et parmi la fête étoilée
    Tu me promenas tout le soir.

    Ô toi qui de...

  • Deux estions et n’avions qu’ung cœur.
    Le Lay de maistre Ytier Marchant.

    Hélas ! Il n’estoit pas saison
    Si tôt de son département.
    La Complainte de Valentin Granson.

    D’elle que reste-t-il aujourd’hui ? Ce qui reste,
    Au réveil d’...