Léon Dierx

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    I

    Nour-Eddour, le voyant de l'avenir, un soir,
    Comme il avait coutume, était venu s'asseoir
    Au seuil de son logis, en face du Bosphore.
    Tout au fond d'une extase où l'esprit s'évapore,
    Dans l'ombre, sur un tertre accroupi, fixement
    Il regardait un...

  • Quelle nuit, ô mon âme ! et quel silence ! Écoute !
    La diane héroïque hier encor battait !
    Voilà donc la rançon que le pain blanc nous coûte !
          Contemple Paris qui se tait !

    Superbe, aux longs échos de ses vingt...

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    Les temps sont arrivés, des vieilles prophéties !
    Ils sont venus, les jours d'universelle horreur !
    Les ombres du néant, d'heure en heure épaissies,
    S'allongent sur nos fronts écrasés de terreur.

    Nous les vivons, les jours d'agonie et de râle !
    À l'orient,...

  • Éclosion des jeunes âmes !
    Bien d’autres rêves ont peuplé
    Mon cœur, madame, et l’ont gonflé,
    Depuis qu’enfants nous nous croisâmes.
    Amour naïf vite envolé !
    Meurt-elle en nous la rêverie
    Qui berçait les cœurs enfantins ?
    Non, je revois l’île fleurie,...

  • La coupe où sans regret tu versas l’affreux vin
    Reste la coupe d’or d’un échanson divin !

    La nuit qui scintillait quand nous nous séparâmes
    Reste l’ombre étoilée où montaient nos deux âmes !

    La fleur qui mourra loin de tes profonds cheveux
    Reste l’œillet béni qui...

  • Sous un souffle qu’emplit l’aube des premiers temps
    S’évapore la terre aux verdures nouvelles ;
    L’arbre enivré s’incline aux bords des clairs étangs ;
    Et les feuilles au ciel battent comme des ailes
    ...

  • Bien des astres pareils aux foyers palpitants,
    Peut-être les plus beaux que chaque soir allume,
    Dardent un jeune éclat jusque dans notre brume,
    Qui sont des soleils morts, perdus depuis longtemps.

    Ceints des tourbillons nés de leurs flammes fécondes,
    Ils ont si...

  • Un frémissement fier passe à travers les bois !

    Sous la tiède clarté de la nuit pacifique
    Le vieux peuple debout, dont les chênes sont rois,
    Enfle son âme au vent de leur âme stoïque.

    Et le siècle, le jour, l’heure, l’instant, le mois,
    Unissent tout à coup dans un...

  • J’étais un naufragé qui malgré lui surnage.
    Sur une mer de nacre errant comme deux sœurs,
    Deux îles m’ont offert leurs abris caresseurs ;
    En deux yeux verdoyants j’ai vu ma double image.

    Loin des vieux continents par l’angoisse habités,
    J’ai vécu tout un soir dans...

  • Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
    Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
    Qui des vents boréens ont lassé les colères,
    Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
    Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
    Inexpugnable bloc d’immobiles...