Léon Dierx

  • Le soir fait palpiter plus mollement les plantes
    Autour d'un groupe assis de femmes indolentes
    Dont les robes, qu'on prend pour d'amples floraisons,
    A leur blanche harmonie éclairent les gazons.
    Une ombre par degrés baigne ces formes vagues ;
    Et sur les bracelets,...

  • Couché sur le dos, dans le vert gazon,
    Je me baigne d'ombre et de quiétude.
    Mes yeux ont enfin perdu l'habitude
    Du spectacle humain qui clôt la prison
    Du vieil horizon.

    Là-bas, sur mon front passent les nuages.
    Qu'ils sont beaux, mon âme ! et qu'ils sont...

  • Le ciel est loin ; les dieux sont sourds.
    Mais nos âmes sont immortelles !
    La terre s'ouvre ; où s'en vont-elles ?
    Souffrirons-nous encor, toujours ?

    L'amour est doux ; l'amour s'émousse.
    Un serment, combien dure-t-il ?
    Le coeur est faux, l'ennui, subtil....

  • L'invisible lien, partout dans la nature,
    Va des sens à l'esprit et des âmes aux corps ;
    Le choeur universel veut de la créature
    Le soupir des vaincus ou l'insulte des forts.

    L'invisible lien va des êtres aux choses,
    Unissant à jamais ces ennemis mortels,
    Qui...

  • Sous l'épais treillis des feuilles tremblantes,
    Au plus noir du bois la lune descend ;
    Et des troncs moussus aux cimes des plantes,
    Son regard fluide et phosphorescent
    Fait trembler aux bords des corolles closes
    Les larmes des choses.

    Lorsque l'homme oublie au...

  • La jeunesse est un arbre aux larges frondaisons,
    Mancenillier vivace aux fruits inaccessibles ;
    Notre âme et notre coeur sont les vibrantes cibles
    De ces rameaux aigus d'où suintent les poisons.

    Ô feuilles, dont la sève est notre sang ! Mirage
    Masquant le ciel...

  • Qu'avais-tu dans l'esprit, maître à la brosse ardente,
    Pour que sous ton pinceau la nature en fureur
    Semble jeter au ciel une insulte stridente,
    Ou frémir dans l'effroi de sa sinistre horreur ?

    Pourquoi dédaignais-tu les calmes paysages
    Dans la lumière au loin...

  • Tout se tait maintenant dans la ville. Les rues
    Ne retentissent plus sous les lourds tombereaux.
    Le gain du jour compté, victimes et bourreaux
    S'endorment en rêvant aux richesses accrues ;
    Plus de lampe qui luise à travers les carreaux.

    Tous dorment en rêvant aux...

  • Quand naissent les fleurs au chant des oiseaux
    Ton étrange voix gravement résonne,
    Et comme aux échos des forêts d'automne
    Un pressentiment court jusqu'en mes os.

    Quand l'or des moissons mûrit sous la flamme,
    Ton lointain sourire à peine tracé
    Me pénètre...

  • Les dieux sont muets, et la vie est triste.
    Pour nous mordre au coeur, les crocs hérissés,
    Un noir lévrier nous suit à la piste.
    Sur les fronts pâlis, sous les yeux baissés,
    Dans les carrefours que la foule obstrue,
    Parmi les chansons, les bruits de la rue,
    Dans les...