I
VOYAGEUR, prends garde ! câest lâheure
Où le soleil va se coucher.
Pour la nuit cherche une demeure ;
Tes pieds saignent de trop marcher.
â Non ! je poursuivrai la lumière,
Non ! je poursuivrai le soleil,
Franchissant montagne et rivière,
Sans prendre repos ni sommeil,
Et jâatteindrai lâardente flamme,
Le pur et lâéternel foyer
Où je consumerai mon âme,
Prête a souffrir pour flamboyer !
â Va donc où ton destin tâemporte.
A lâhorizon, poursuis le jour.
Pour te faire une âme plus forte,
Sois tout orgueil, sois tout amour.
Ne vis que pour ce but sublime,
Ce martyre digne dâun Dieu :
Mêler aux flammes de lâabîme
Un cÅur brûlant du même feu.
Va ! va plus vile ! le jour tombe.
Tu mourras rêveur insensé,
Mais avec la nuit comme tombe,
Lââme éteinte et le cÅur glacé.
II
â Dans une ombre sans fin, perdu loin de mon rêve,
Quand je devrais mourir sur le bord dâun fossé,
Je nâaurais pas regret dâavoir marché sans trêve,
Cherchant, hors du réel, un but plus haut placé.
A mon front la sueur, Ã mes pieds les blessures,
Lâindestructible angoisse en mon cÅur tourmenté,
Tout cela, vains espoirs, tout cela, douleurs sûres,
Vaut mieux que lâégoïsme où je serais resté.
Le passé me révolte et le présent mâattriste.
Dans la grande nature en germe contenu,
Seul lâavenir est bon, seul lâavenir existe.
Et câest pourquoi je marche, et vais vers lâinconnu.
Je ne mâarrêterai dans aucune demeure,
Je ne regarderai les champs ni la cité.
La lumière qui fuit, à poursuivre, est meilleure,
Car seule elle est splendeur, et seule vérité.
En avant ! en avant ! viennent le froid et lâombre,
Mon cÅur persistera tant quâil sera vivant.
Une aurore est au bout de chaque jour qui sombre.
Vers la lumière ! vers lâavenir ! en avant !