DES violettes sont, d’une nature exquise,
Dont la teinte est plus pâle et plus vague l’odeur ;
Il leur faut le soleil et non l’ombre indécise,
L’essence en est plutôt l’amour que la pudeur.
Dans la serre, à l’automne, on met ces violettes ;
Car, dès qu’il vient du froid, cela les fait mourir ;
Moins vivaces pourtant, elles sont plus complètes
Que leurs sœurs, dans les bois, si braves à fleurir.
Elles ont ce qui manque aux autres : la tristesse.
Leur couleur est morbide et leur parfum souffrant.
C’est le raffinement et la délicatesse ;
C’est, à travers les cils, une larme filtrant ;
Et non pas cette larme obscure et prolétaire,
Qui tombe sur la serge au milieu des taudis,
Larme qui prend sa source aux brumes de la terre,
Et qui sèche, au printemps, dans les airs attiédis ;
Mais cette larme vague, insondable, mystique,
Qui se mêle à la gloire, au luxe, à l’or vainqueur,
Et, des colliers joyeux perle mélancolique,
Dans les bonheurs humains montre le deuil du cœur.
Certes, les parfums purs que la fleur des bois verse,
Forts comme ils sont naïfs, constants comme ils sont vrais,
Où rien de dangereux ni d’énervant ne perce,
Mêle, mieux vaudrait si tu les préférais.
Mais qu’y faire ? chez toi des instincts sont les maîtres
Qui t’empêchent d’aimer la saine vérité ;
Et ton âme, pareille à l’âme des faux prêtres.
Qui font de leur idole une divinité,
Abandonne le bien, le réel, le sincère
Pour l’idéal perfide et le rêve félon,
Préfère aux fleurs des bois les frêles fleurs de serre,
Aux rustiques santés les pâleurs de salon.