Émile Verhaeren

  • L'ombre est lustrale et l'aurore irisée.
    De la branche, d'où s'envole là-haut
    L'oiseau,
    Tombent des gouttes de rosée.

    Une pureté lucide et frêle
    Orne le matin si clair
    Que des prismes semblent briller dans l'air.
    On écoute une source ; on entend un bruit...

  • La nuit d'hiver élève au ciel son pur calice.

    Et je lève mon coeur aussi, mon coeur nocturne,
    Seigneur, mon c?ur ! vers ton pâle infini vide,
    Et néanmoins je sais que tout est taciturne
    Et qu'il n'existe rien dont ce coeur meurt, avide ;
    Et je te sais mensonge et...

  • Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
    Interminablement, à travers le jour gris,
    Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
    Infiniment, la pluie,
    La longue pluie,
    La pluie.

    Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,
    Des haillons mous qui...

  • Vers une ville au loin d'émeute et de tocsin,
    Où luit le couteau nu des guillotines,
    En tout-à-coup de fou désir, s'en va mon coeur.

    Les sourds tambours de tant de jours
    De rage tue et de tempête,
    Battent la charge dans les têtes.

    Le cadran vieux d'un...

  • Et qu'importent et les pourquoi et les raisons
    Et qui nous fûmes et qui nous sommes :
    Tout doute est mort, en ce jardin de floraisons
    Qui s'ouvre en nous et hors de nous, si loin des hommes.

    Je ne raisonne pas, et ne veux pas savoir
    Et rien ne troublera ce qui...

  • Sur sa butte que le vent gifle,
    Il tourne et fauche et ronfle et siffle,
    Le vieux moulin des péchés vieux
    Et des forfaits astucieux.

    Il geint des pieds jusqu'à la tête,
    Sur fond d'orage et de tempête,
    Lorsque l'automne et les nuages
    Frôlent son toit de...

  • I

    Pour y tasser le poids de tes belles lourdeurs,
    Tes doubles seins frugaux et savoureux qu'arrose
    Ton sang, tes bras bombés que lustre la peau rose,
    Ton ventre où les poils roux toisonnent leurs splendeurs,

    Je tresserai mes vers comme, au fond des...

  • Trouant de tes rayons sans nombre
    Le feuillage léger,
    Soleil,
    Tu promènes, comme un berger,
    Le tranquille troupeau des ombres
    Dans les jardins et les vergers.

    Dès le matin, par bandes,
    Sitôt que le ciel est vermeil,
    Elles s'étendent
    Des...

  • Et ce Londres de fonte et de bronze, mon âme,
    Où des plaques de fer claquent sous des hangars,
    Où des voiles s'en vont, sans Notre-Dame
    Pour étoile, s'en vont, là-bas, vers les hasards.

    Gares de suie et de fumée, où du gaz pleure
    Ses spleens d'argent lointain vers...

  • L'hiver, les chênes lourds et vieux, les chênes tors,
    Geignant sous la tempête et projetant leurs branches
    Comme de grands bras qui veulent fuir leur corps,
    Mais que tragiquement la chair retient aux hanches,

    Semblent de maux obscurs les mornes recéleurs ;
    Car l'...