Rentrée des moines

I

On dirait que le site entier sous un lissoir
Se lustre et dans les lacs voisins se réverbère ;
C'est l'heure où la clarté du jour d'ombres s'obère,
Où le soleil descend les escaliers du soir.

Une étoile d'argent lointainement tremblante,
Lumière d'or dont on n'aperçoit le flambeau,
Se reflète, mobile et fixe, au fond de l'eau
Où le courant la lave, avec une onde lente.

A travers les champs verts s'en va se déroulant
La route dont l'averse a creusé les ornières ;
Elle longe les noirs massifs des sapinières
Et monte au carrefour couper le pavé blanc.

Au loin scintille encore une lucarne ronde
Qui s'ouvre ainsi qu'un oeil dans un pignon rongé ;
Là, le dernier reflet du couchant s'est plongé
Comme, en un trou profond et ténébreux, la sonde.

Et rien ne s'entend plus dans ce mystique adieu,
Rien - le site vêtu d'une paix métallique
Semble enfermer en lui, comme une basilique,
La présence muette et nocturne de Dieu.

II

Alors les moines blancs rentrent aux monastères
Après secours portés aux malades des bourgs,
Aux laboureurs ployés sous le faix des labours
Aux gueux chrétiens qui vont mourir, aux grabataires,

A ceux qui crèvent seuls, mornes, sales, pouilleux,
Et que nul de regrets ni de pleurs n'accompagne
Et qu'on enterrera dans un coin de campagne,
Sans qu'on lave leur corps ni qu'on ferme leurs yeux,

Aux mendiants mordus de misères avides,
Qui, le ventre troué de faim, ne peuvent plus
Se béquiller là-bas vers les enclos feuillus
Et qui se noient, la nuit, dans les étangs livides.

Et tels les moines blancs traversent les champs noirs,
Faisant songer au temps des jeunesses bibliques
Où l'on voyait errer des géants angéliques,
En longs manteaux de lin, dans l'or pâli des soirs. [...]

Collection: 
1886

More from Poet

Le corps ployé sur ma fenêtre,
Les nerfs vibrants et sonores de bruit,
J'écoute avec ma fièvre et j'absorbe, en mon être,
Les tonnerres des trains qui traversent la nuit.
Ils sont un incendie en fuite dans le vide.
Leur vacarme de fer, sur les plaques des ponts,...

Lorsque la pourpre et l'or d'arbre en arbre festonnent
Les feuillages lassés de soleil irritant,
Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.

Il s'y tasse comme une épargne ; il se recueille
Au coeur de la...

D'énormes espaliers tendaient des rameaux longs
Où les fruits allumaient leur chair et leur pléthore,
Pareils, dans la verdure, à ces rouges ballons
Qu'on voit flamber les nuits de kermesse sonore.

Pendant vingt ans, malgré l'hiver et ses grêlons,
Malgré les gels...

Les horizons cuivrés des suprêmes automnes
Meurent là-bas, au loin, dans un carnage d'or.
Où sont-ils les héros des ballades teutonnes
Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort ?

Ils passaient par les monts, les rivières, les havres,
Les burgs - et...

Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.

Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
Et c'est le soir, et c'est la nuit, et c'est novembre.

Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
Le mur est...