Femmes/Inconscience

 
Cette femme a souri quand j’ai passé près d’elle.
Sait-elle qui je suis ? Et si j’étais sans foi,
Sans honneur, sans amour, sans la moindre étincelle
De cœur ni d’âme ! Elle eût encor souri pour moi…

Funeste et ravissante, à l’inconnu qui passe
Sa bouche offre un baiser de poison et de miel,
Et ses yeux bleus, mêlés d’impudeur et de grâce,
Provoquent à la honte avec l’azur du ciel.

Ne vous vantez jamais, ô femmes, d’être belles,
Car ce n’est pas à vous que l’homme en fait honneur ;
Le jour pur et lointain qui luit dans vos prunelles
Ne prend pas sa lumière au feu de votre cœur ;

Vous ignorez le beau dont vous portez la trace ;
Ce que disent vos yeux vous ne le savez pas :
Leur langage n’est point cette irritante audace
Qu’un vaniteux miroir leur enseigne tout bas.

Vous songiez au plaisir, à quelque absurde fête,
Au moment où vos corps nous ont manifesté
Dans les pas, et la taille, et le port de la tête,
Cette divine aisance et cette majesté.

N’ayez jamais d’orgueil de la douleur des hommes,
Quand vous les avez vus pleurer à vos genoux ;
Dieu, l’idéal rêvé, voit la peine où nous sommes :
Il sait bien que c’est lui qui nous tourmente en vous.

Collection: 
1865

More from Poet

  •  
    Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
    Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
    Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
    Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

    Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

  •  
    Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
    Tu dis que sous ta lourde croix
    Ton énergie enfin succombe ;
    Tu souffres beaucoup, je te crois.

    Le souci des choses divines
    Que jamais tes yeux ne verront
    Tresse d’invisibles épines
    Et les enfonce dans ton...

  • Ces vers que toi seule aurais lus,
    L’œil des indifférents les tente ;
    Sans gagner un ami de plus
    J’ai donc trahi ma confidente.

    Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
    Tu sais le nom de la première ;
    Sa grâce ne mourra jamais
    Dans mes yeux qu’...

  •  
    Toi qui peux monter solitaire
    Au ciel, sans gravir les sommets,
    Et dans les vallons de la terre
    Descendre sans tomber jamais ;

    Toi qui, sans te pencher au fleuve
    Où nous ne puisons qu’à genoux,
    Peux aller boire avant qu’il pleuve
    Au nuage...

  •  
    O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
    Dans l’espace infini versent tranquillement
    Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
             Et dans l’homme un divin calmant,

    Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
    A celui d’une...