À la Perfection idéale

 
Astre demi-caché, mystérieuse étoile !
Idole du génie et de la vérité,
Quelle es-tu ? — Sous quels cieux te montres-tu sans voile ?
Qui te voit dans ta grâce et dans ta nudité ?

Le bien , le vrai, le beau, perfection suprême !
Sous tous ces noms divers on t'adore en tout lieu,
Depuis le sage allier qui te cherche en lui-même,
Jusqu'à l'humble reclus qui ne te voit qu'en Dieu.

Le peintre, qui d'un trait rend la toile vivante,
Le sculpteur, amoureux des êtres qu'il enfante,
Le poète inspiré, qui, dans de vains transports,
Sur sa couche de feu, dans les nuits solitaires,
Se roule, et tend les bras aux visions légères
Qui passent, en riant de ses tristes efforts,
Tous meurent de ta soif, tous brûlent de ta flamme ;
Nul ne t'a pu saisir, idéale beauté !
Ou si ta vue en songe a satisfait leur âme,
A l'heure du réveil, que leur est-il resté ?
Quelques pâles rayons, quelques vagues images,
Pareils à ces débris d'un arc-en-ciel brillant,
Décolorés par les nuages,
Effacés par la pluie, emportés par le vent.

C'est à vous, morts fameux, à vous que j'en appelle !
Parlez-nous, dites-nous, du fond de vos tombeaux,
Si, par delà la sphère où vous porta votre aile,
Vos yeux n'embrassaient pas une sphère nouvelle,
Des lointains plus brillants, des horizons plus beaux ?
C'est en vain que le siècle, au siècle qui commence,
Lègue, avant de mourir, l'héritage des temps ;
L'homme verra toujours dans un espace immense
Ce mieux, but ignoré de ses désirs brûlants.
Plus il a, plus il veut ; son âme ambitieuse
Voit grandir devant lui cet espace éternel,
Comme autrefois Jacob, l'échelle lumineuse
Dont les derniers degrés se perdaient dans le ciel ;
Et s'il est quelque globe, invisible patrie
D'êtres vivants, formés d'un limon plus qu'humain,
Malheur à leurs vertus ! malheur à leur génie ! —
Les yeux vers ton image, O divine harmonie !
Ils souffrent plus que nous de t'invoquer en vain.

Hélas ! je t'invoquai dès ma plus tendre enfance !
Tu brillais devant moi, dans un lointain obscur,
Comme un de ces grands monts, dont la cime s'élance
Sur un vague horizon de vapeur et d'azur.

Le voyageur les voit, quand se dissipe l'ombre ;
Il les voit, quand la nuit recommence son cours ;
Il s'en croit toujours près ; mais des vallons sans nombre
L'éloignent de ce but qui recule toujours.
 
Au pied de la montagne il parviendra peut-être !
Mais qui jamais toucha son sommet éternel ?
Nul pied ne l'a foulé ; nul oiseau n'y pénètre ;
Rien !.... que les vents de l'air, ou les rayons du ciel !

Ainsi tu m'apparais, incertaine, inconnue,
Beauté, que je cherchai dès l'aube de mes jours !
L'aube a fui !.... de midi l'heure est presque venue,
Et sans t'atteindre, hélas ! je te cherche toujours.

Je ne t'atteindrai point, montagne inaccessible !
Mais, de loin rayonnant, ton front toujours visible,
Sert de but à ma course, et de phare à mes pas ;
Je ne t'atteindrai point !... Mais ta clarté chérie,
Aura du moins doré l'horizon de ma vie,
Et détourné mes yeux des fanges d'ici-bas !

Collection: 
1820

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