Le Soleil d’automne

 
Quand l’automne est presque finie,
Et que tout semble dans les vents
Annoncer les derniers moments
De la nature à l’agonie,

Souvent un beau soleil d’été
Se lève sur les paysages,
Et vient visiter les bocages
Qu’il dédaigna dans leur beauté.

Mais les bois ont perdu leurs teintes ;
Mais les oiseaux sont envolés ;
Tous les parfums sont exhalés,
Toutes les voix se sont éteintes.

Ce lac, aux bords délicieux,
A l’onde autrefois si limpide,
Aujourd’hui jaunâtre et fangeux
Ne roule plus qu’une eau fétide.

Ce tronc, qui fut jadis ormeau,
N’a gardé qu’une feuille morte,
Qui seule attend sur son rameau
Que le vent se lève et l’emporte.
 
C’en est fait : le divin rayon
A trop tard commencé de luire ;
Il ne reste pas un gazon,
Pas une fleur pour lui sourire.

Ainsi, quand j’aurai vu pâlir
De mes ans la fleur printanière,
Lorsque dans la nature entière
Tout me dira qu’il faut mourir,

Peut-être alors à ma vieillesse
Le sort offrira-t-il enfin
L’être charmant que ma jeunesse
Aura cherché longtemps en vain.

Mais sur les roses de ma vie
Le vent d’automne aura passé ;
Ma tête, hélas ! sera blanchie,
Mon œil éteint, mon sang glacé.

Feuille vieillie et languissante,
Que m’importe qu’enfin l’amour
De sa lumière consolante
Vienne éclairer mon dernier jour ?

Aux rameaux de l’arbre de vie
A peine un fil me retiendra,
Et le soleil ne brillera
Que pour me voir tomber flétrie.
 
Je mourrai sans avoir vécu,
Mélancolique et solitaire,
Sans que pour moi, sur cette terre,
Un seul cœur ait jamais battu.

Je mourrai, mais trop tard encore ;
Car, avant de fermer les yeux,
J’aurai pu d’un sort plus heureux
Entrevoir un moment l’aurore.

Un autre, hélas ! héritera
De ce bien, trop tardif à naître ;
Un autre à mes vœux ravira
Celle qui m’eût aimé peut-être.

Et moi, silencieux témoin,
L’œil morne et chargé de tristesse,
Je les verrai passer de loin
Brillants d’amour et de jeunesse.

Je verrai de ce couple heureux
Le souffle dans l’air se confondre,
Les yeux interroger les yeux,
Les regards aux regards répondre.

Hélas ! je ne gémirai pas
De la perte de tant de charmes ;
Je ne verserai pas de larmes ;
Car, qui me plaindrait ici-bas ?
 
Mais je détournerai la tête
De ce spectacle de bonheur ;
Et si de ma douleur muette
L’excès n’a pas brisé mon cœur,

Dieu seul et moi pourrons connaître
Ce que pèse un dernier soupir
Qu’exhale encore le Désir,
Quand l’Espérance a cessé d’être.

Collection: 
1820

More from Poet

 
Nous ne vivons jamais : nous attendons la vie.
VOLTAIRE.

I

Des monts lointains de la jeunesse
Je vois déjà pâlir l’azur :
Le temps m’entraîne avec vitesse,
Et, comme au fond d’un antre obscur,
Son char léger roule, et m’emporte...

 
Et tu mourras sur la montagne où tu montes. Tu verras
vis-à-vis de toi le pays ; mais tu n’y entreras point.
BIBLE

Quand Moïse, vieilli, sentit venir sa fin,
Dieu lui dit : « Gravis la montagne,
« Et de là tu verras, au loin dans la campagne...

 
À M. G. P.

L’hiver règne ; son souffle a chassé l’hirondelle !
La Néva sous la glace a resserré ses eaux ;
Le char court, en silence, ou voguait la nacelle,
Et la roue a fait place aux rapides traîneaux.

Quand le soleil reluit, quand la...

 
Rends-le-moi, rends-le-moi, ce gracieux sourire
Que j’ai cru sur ta lèvre entrevoir en passant !
Qu’il soit né d’un caprice, ou que l’amour l’inspire,
N’importe ! — rends-le-moi, ce gracieux sourire,
Je veux me croire aimé, ne fût-ce qu’un instant.

Je sais...

 
Quand l’automne est presque finie,
Et que tout semble dans les vents
Annoncer les derniers moments
De la nature à l’agonie,

Souvent un beau soleil d’été
Se lève sur les paysages,
Et vient visiter les bocages
Qu’il dédaigna dans leur beauté....