Les Mages

LE CHŒUR DES MAGES

Veillons, sans bouger, sur la tour énorme
Où meurt le désir d’un monde troublé.
Des signes du ciel l’avenir se forme ;
Fixons nos regards au ciel étoilé.

LA VOIX DE LA TERRE

Toujours suivre dans l’espace
Les chemins où l’astre passe,
Cela doit vous épuiser.
Dans le ciel qui vous submerge,
Mourrez-vous loin de la vierge
Qui vous offre son baiser ?

LES MAGES

Nos cœurs sont fermés aux douceurs charnelles,
Nos regards sont morts aux formes d’un jour.
Pour les astres seuls, beautés éternelles,
Dans nos cœurs glacés, nous brûlons d’amour.

LA VOIX

De nos rois, morts dans l’orgie,
Nous arrachons l’effigie ;
Hommes sages, guide-nous,
Le genre humain vous convie,
Redescende dans la vie.
Tous les trônes sont à vous.

LES MAGES

L’homme, c’est l’orgueil et la servitude,
D’une course aveugle, allant au trépas.
Les Mages, veillant dans la solitude,
De leurs astres purs ne descendront pas.

LA VOIX

Nous sommes las des idoles ;
O fronts baignés d’auréoles,
Nous vous cherchons par les cieux.
Apparaissez dans le temple,
Que la foule vous contemple
Et vous prenne pour ses dieux !

LES MAGES

Vos dieux sont la peur et sont le mensonge.
Nous sommes le calme et la vérité.
Gardez, vos autels. Nous gardons le songe,
Le songe infini, sur nous arrêté.

  

Collection: 
1856

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