Quand je m’endormirai sous la splendeur des astres,
Mes strophes flamboieront auprès de mon cercueil ;
Les torchères de fer de mon farouche orgueil
Jetteront dans le vent la pourpre des désastres ;
Et les aigles du Verbe, apaisant leur essor,
Grouperont leurs faisceaux en un vol de victoire,
Pendant que se tairont, autour de ma mémoire,
Les trompettes de bronze et les cymbales d’or.
Aux quatre angles du lit funéraire dressées,
Témoins en qui revit mon rêve surhumain,
Surgiront, de leur glaive éclairant le chemin,
Des figures de Dieux créés de mes pensées.
Et, brasier colossal où s’accumuleront
Les dépouilles du Temple et les thrésors des Tentes,
Mes rhythmes, ouvrant leurs envergures battantes,
Voileront de leurs feux la terreur de mon front.
Solitude de pierre aux formidables arches,
Mon œuvre étagera ses rampes et ses tours
Énormes, et, jonchant le pavement des cours,
Les siècles enchaînés en garderont les marches.
Et, quand j’aurai quitté le Sol du Monde, en vain
La foule impie, avec des bras tremblants de haine,
Insultera la paix sainte et la tombe vaine
Où ma chair de douleur rentre au néant divin.
Car la horde, acculée à son forfait célèbre,
Croira voir, dans la cendre ardente du bûcher,
La main de l’Inconnu s’animer, et chercher
La hache de l’éclair sous mon chevet funèbre.