Le Parnasse contemporain/1869/Le Missel

Elle n’a pas perdu de son cœur un pistil,
Ni du frêle tissu de sa corolle un fil ;
La page ondule encore où sécha la rosée
De son dernier matin, mêlée à d’autres pleurs ;
La mort en la cueillant l’a seulement baisée,
Et, soigneuse, n’a fait qu’éteindre ses couleurs,
Mais ne l’a pas décomposée.

Une mélancolique & subtile senteur,
Pareille au souvenir qui monte avec lenteur,
L’arome du secret dans les cassettes closes,
Révèle l’âge ancien de ce mystique herbier ;
Il semble que les jours se parfument des choses,
Et qu’un passé d’amour ait l’odeur d’un sentier
Où le vent balaya des roses.

Et peut-être, dans l’air sombre & léger du soir,
Un cœur, comme une flamme, autour du vieux fermoir,
S’efforce, en palpitant, de se frayer passage,
Et chaque soir peut-être il attend l’Angelus,
Dans l’espoir qu’une main viendra tourner la page
Et qu’il pourra savoir si rien ne reste plus
De la fleur qui fut son hommage.

Hé bien ! rassure-toi, chevalier qui partais
Pour combattre à Pavie & ne revins jamais,
Ou page qui tout bas, aimant comme on adore,
Fis un aveu d’amour d’un Ave Maria,

Cette fleur qui mourut sous des yeux que j’ignore,
Depuis les trois cents ans qu’elle repose là,
Où tu l’as mise elle est encore.

Collection: 
1971

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