Femmes/L’Abîme

 
L’heure où tu possèdes le mieux
Mon être tout entier, c’est l’heure
Où, faible et ravi, je demeure
Sous la puissance de tes yeux.

Je me mets à genoux, j’appuie
Sur ton cœur mon front agité,
Et ton regard comme une pluie
Me verse la sérénité.

Car je devine sa présence,
Je le sens sur moi promené
Comme une subtile influence,
Et j’en suis comme environné…

Te dirai-je quel est mon rêve ?
Je ne sais, l’univers a fui…
Quand tu m’appelles, je me lève
Égaré, muet, ébloui…

Et bien longtemps, l’âme chagrine,
Je regrette, ennemi du jour,
La douce nuit de ta poitrine
Où je m’abîmais dans l’amour.

Collection: 
1865

More from Poet

 
Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

 
Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
Tu dis que sous ta lourde croix
Ton énergie enfin succombe ;
Tu souffres beaucoup, je te crois.

Le souci des choses divines
Que jamais tes yeux ne verront
Tresse d’invisibles épines
Et les enfonce dans ton...

Ces vers que toi seule aurais lus,
L’œil des indifférents les tente ;
Sans gagner un ami de plus
J’ai donc trahi ma confidente.

Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
Tu sais le nom de la première ;
Sa grâce ne mourra jamais
Dans mes yeux qu’...

 
Toi qui peux monter solitaire
Au ciel, sans gravir les sommets,
Et dans les vallons de la terre
Descendre sans tomber jamais ;

Toi qui, sans te pencher au fleuve
Où nous ne puisons qu’à genoux,
Peux aller boire avant qu’il pleuve
Au nuage...

 
O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
Dans l’espace infini versent tranquillement
Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
         Et dans l’homme un divin calmant,

Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
A celui d’une...