Au bord de l’eau

 
S’asseoir tous deux au bord d’un flot qui passe,
            Le voir passer ;
Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace,
            Le voir glisser ;
À l’horizon, s’il fume un toit de chaume,
            Le voir fumer ;
Aux alentours, si quelque fleur embaume,
            S’en embaumer ;
Si quelque fruit, où les abeilles goûtent,
            Tente, y goûter ;
Si quelque oiseau, dans les bois qui l’écoutent,
            Chante, écouter…
Entendre au pied du saule où l’eau murmure
            L’eau murmurer ;

Ne pas sentir, tant que ce rêve dure,
            Le temps durer ;
Mais n’apportant de passion profonde
            Qu’à s’adorer ;
Sans nul souci des querelles du monde,
            Les ignorer ;
Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse,
            Sans se lasser,
Sentir l’amour, devant tout ce qui passe,
            Ne point passer !

Collection: 
1872

More from Poet

  •  
    Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
    Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
    Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
    Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

    Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

  •  
    Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
    Tu dis que sous ta lourde croix
    Ton énergie enfin succombe ;
    Tu souffres beaucoup, je te crois.

    Le souci des choses divines
    Que jamais tes yeux ne verront
    Tresse d’invisibles épines
    Et les enfonce dans ton...

  • Ces vers que toi seule aurais lus,
    L’œil des indifférents les tente ;
    Sans gagner un ami de plus
    J’ai donc trahi ma confidente.

    Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
    Tu sais le nom de la première ;
    Sa grâce ne mourra jamais
    Dans mes yeux qu’...

  •  
    Toi qui peux monter solitaire
    Au ciel, sans gravir les sommets,
    Et dans les vallons de la terre
    Descendre sans tomber jamais ;

    Toi qui, sans te pencher au fleuve
    Où nous ne puisons qu’à genoux,
    Peux aller boire avant qu’il pleuve
    Au nuage...

  •  
    O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
    Dans l’espace infini versent tranquillement
    Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
             Et dans l’homme un divin calmant,

    Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
    A celui d’une...