• A Jules Dupré.

    La rivière s'écoule avec lenteur. Ses eaux
    Murmurent, près du bord, aux souches des vieux aulnes
    Qui se teignent de sang ; de hauts peupliers jaunes
    Sèment leurs feuilles d'or parmi les blonds roseaux.

    Le vent léger, qui croise en mobiles réseaux
    Ses rides d'argent clair, laisse de sombres zones
    Où les arbres, plongeant leurs...

  • À José-Maria de Heredia.

    I

    J'aime mon vieil Artois aux plaines infinies,
    Champs perdus dans l'espace où s'opposent, mêlés,
    Poèmes de fraîcheur et fauves harmonies,
    Les lins bleus, lacs de fleurs, aux verdures brunies,
    L'oeillette, blanche écume, à l'océan des blés.

    Au printemps, les colzas aux gais bouquets de chrome,
    De leur note si...

  • L'orage s'ammoncèle et pèse sur la dune
    Dont le flanc sablonneux se dresse comme un mur.
    Par instants, le soleil y darde un faisceau dur
    De rayons plus blafards qu'un blême éclat de lune.

    Les éclairs redoublés tonnent dans l'ombre brune.
    Le pêcheur lutte et cherche en vain un abri sûr.
    Bondissant en fureur par l'océan obscur,
    L'âpre rafale hurle et...

  • A Louis Cabat.

    C'est un humble fossé perdu sous le feuillage ;
    Les aunes du bosquet les couvrent à demi ;
    L'insecte, en l'effleurant, trace un léger sillage
    Et s'en vient seul rayer le miroir endormi.

    Le soir tombe, et c'est l'heure où se fait le miracle,
    Transfiguration qui change tout en or ;
    Aux yeux charmés tout offre un ravissant...

  • " Ô perle du désert ! dis-moi :
    Si le giaour infidèle
    Ne s'en revenait plus vers toi ?
    - Je te comprends bien, lui dit-elle :

    " Mais je m'appelle Zaïra.
    Va, mon coeur l'aimerait quand même :
    Je suis de la tribu d'Azra ;
    Chez nous on meurt lorsque l'on aime ! "

  • Quand le Phénix se brûle au céleste flambeau
    Sur un lit précieux d'encens et de cannelle,
    Il reprend dans sa cendre une force nouvelle
    Et pour lui le cercueil se change en un berceau.

    Ainsi le Rédempteur laissant dans le tombeau
    De son corps immolé sa dépouille mortelle
    En sort étincelant d'une gloire éternelle,
    Et le ciel étonné n'a rien vu de si...

  • Grâce, qui du grand Paul domptes l'esprit rebelle,
    Que ce coup est fameux ! que ce triomphe est beau !
    Et lui, d'un loup cruel, tu fais un doux agneau,
    Et d'un fier adversaire un apôtre fidèle.

    La croix lui fit horreur, la croix lui semble belle,
    L'ennemi de l'Église est son époux nouveau,
    Il en fut la terreur, il en est le flambeau,
    Il la voulait...

  • L'astre qui fait le jour dort dans le sein des eaux,
    Un silence profond règne en toutes les plaines,
    Et les zéphyres seuls par de faibles haleines
    D'un petit tremblement agitent les rameaux.

    On n'oit plus dans les bois les concerts des oiseaux,
    Et l'aimable enchanteur des soucis et des peines,
    Le sommeil, au doux bruit des paisibles fontaines,
    ...

  • Lorsque dessus la croix un Dieu ferme les yeux,
    Je ne m'étonne pas que le grand oeil du monde,
    Qui tient de ses bontés sa lumière féconde,
    Couvre d'un noir manteau ses rayons précieux.

    Que les spectres des morts paraissent dans ces lieux
    Et de leurs froids tombeaux quittent la nuit profonde,
    Dans les plaines de l'air que le tonnerre gronde,
    C'est...

  • L'oiseau miraculeux de l'heureuse Arabie
    Qui vit sans parangon sous le manteau des cieux,
    Quand il a sillonné le grand fleuve oublieux,
    Il respire en son corps une seconde vie.

    Sur le front d'un rocher d'un bois d'Éthiopie,
    Il desseigne son nid, puis élevant ses yeux
    Vers la pente du ciel, le soleil radieux
    S'élance en un moment sur sa plume...