• Quoique tes sourcils méchants
    Te donnent un air étrange
    Qui n'est pas celui d'un ange,
    Sorcière aux yeux alléchants,

    Je t'adore, ô ma frivole,
    Ma terrible passion !
    Avec la dévotion
    Du prêtre pour son idole.

    Le désert et la forêt
    Embaument tes tresses rudes,
    Ta tête a les attitudes
    De l'énigme et du secret.

    Sur ta...

  • Oisive jeunesse
    A tout asservie,
    Par délicatesse
    J'ai perdu ma vie.
    Ah ! Que le temps vienne
    Où les coeurs s'éprennent.

    Je me suis dit : laisse,
    Et qu'on ne te voie :
    Et sans la promesse
    De plus hautes joies.
    Que rien ne t'arrête,
    Auguste retraite.

    J'ai tant fait patience
    Qu'à jamais j'oublie ;
    Craintes et...

  • L'eau, dans les grands lacs bleus
    Endormie,
    Est le miroir des cieux :
    Mais j'aime mieux les yeux
    De ma mie.

    Pour que l'ombre parfois
    Nous sourie,
    Un oiseau chante au bois :
    Mais j'aime mieux la voix
    De ma mie.

    La rosée, à la fleur
    Défleurie
    Rend sa vive couleur :
    Mais j'aime mieux un pleur
    De ma mie.

    ...

  • Dame ! vois-tu les grands blés d'or
    Sous les couchants de Messidor
    Saillir longs et droits de la glèbe.
    Ils ne sont pas encor si longs
    Que les flots de tes cheveux blonds
    Où je cache mon front d'éphèbe.

    Dame ! écoute la voix du vent
    Dont l'aile caresse en rêvant
    Une par une chaque tige.
    Elle est moins vibrante d'émoi
    Que ta...

  • Le soir étend sur les grands bois
    Son manteau d'ombre et de mystère ;
    Les vieux menhirs, dans la bruyère
    Qui s'endort, veillent et des voix
    Semblent sortir de chaque pierre.
    L'heure est muette comme aux temps
    Où, dans les forêts souveraines,
    Les vierges blondes et sereines
    Et les druides aux cheveux blancs
    Allaient cueillir le gui des...

  • De la rue on entend sa plaintive chanson.
    Pâle et rousse, le teint plein de taches de son,
    Elle coud, de profil, assise à sa fenêtre.
    Très sage et sachant bien qu'elle est laide peut-être,
    Elle a son dé d'argent pour unique bijou.
    Sa chambre est nue, avec des meubles d'acajou.
    Elle gagne deux francs, fait de la lingerie
    Et jette un sou quand vient l'orgue de...

  • Triste exilé, qu'il te souvienne
    Combien l'avenir était beau,
    Quand sa main tremblait dans la tienne
    Comme un oiseau,

    Et combien ton âme était pleine
    D'une bonne et douce chaleur,
    Quand tu respirais son haleine
    Comme une fleur !

    Mais elle est loin, la chère idole,
    Et tout s'assombrit de nouveau ;
    Tu sais qu'un souvenir s'envole...

  • Ecoutez la chanson bien douce
    Qui ne pleure que pour vous plaire,
    Elle est discrète, elle est légère :
    Un frisson d'eau sur de la mousse !

    La voix vous fut connue (et chère ?)
    Mais à présent elle est voilée
    Comme une veuve désolée,
    Pourtant comme elle encore fière,

    Et dans les longs plis de son voile,
    Qui palpite aux brises d'automne....

  • Ils me disent que tu es blonde
    Et que toute blonde est perfide,
    Même ils ajoutent " comme l'onde ".
    Je me ris de leur discours vide !
    Tes yeux sont les plus beaux du monde
    Et de ton sein je suis avide.

    Ils me disent que tu es brune,
    Qu'une brune a des yeux de braise
    Et qu'un coeur qui cherche fortune
    S'y brûle... Ô la bonne foutaise !...

  • Va, chanson, à titre-d'aile
    Au-devant d'elle, et dis-lui
    Bien que dans mon coeur fidèle
    Un rayon joyeux a lui,

    Dissipant, lumière sainte,
    Ces ténèbres de l'amour :
    Méfiance, doute, crainte,
    Et que voici le grand jour !

    Longtemps craintive et muette,
    Entendez-vous ? La gaîté,
    Comme une vive alouette,
    Dans le ciel clair a chanté...