• Les toits semblent perdus
    Et les clochers et les pignons fondus,
    Par ces matins fuligineux et rouges,
    Où, feux à feux, des signaux bougent.

    Une courbe de viaduc énorme
    Longe les quais mornes et uniformes ;
    Un train s’ébranle immense et las.

    Au loin, derrière un mur, là-bas,
    Un steamer rauque avec un bruit de corne.

    ...
  •  
    L’âme des bons, fragile et douce étrangement,
    Ne peut pas croire à des trahisons incessantes
    Et qu’il faille toujours douter des voix absentes
    Et voir sur toute lèvre un silence qui ment.

    Les bons, ceux qui n’ont pas la science de vivre,
    Pauvres âmes, en qui le moindre mot aimant
    Résonne en frissons d’or et tinte longuement
    Ainsi qu’un humble...

  •  
    I

    Beau lac, j’ai vu, de ce bois sombre,
    Tes flots s’embraser au soleil ;
    Ils brillaient de couleurs sans nombre,
    De bleu, d’orangé, de vermeil.

    Mais cet azur, ces roses vives,
    Cet or qui serpente là-bas,
    Ces rayons qui baignent tes rives,
    O lac, ne t’appartiennent pas !

    Ce n’est pas de tes flots qu’émane
    Ta clarté si douce...

  • Mon bien-aimé, dans mes douleurs,
    Je viens de la cité des pleurs,
    Pour vous demander des prières.
    Vous me disiez, penché vers moi :
    « Si je vis, je prîrai pour toi. »
    Voilà vos paroles dernières.
             Hélas ! hélas !
    Depuis que j’ai quitté vos bras.
    Jamais je n’entends vos prières.
             Hélas ! hélas !
    J’écoute, et vous ne...

  • L’ame, & l’esprit sont pour le corps orner,
    Quand le vouloir de l’Eternel nous donne
    Sens, & sçauoir pour pouuoir discerner
    Le bien du bien, que la raison ordonne.

    Par quoy si Dieu de telz biens te guerdonne,
    Il m’à donné raison, qui à pouuoir
    De bien iuger ton heur, & ton sçauoir.

    Ne trouve donc chose si admirable,
    Si a bon droict...

  •  
    I

    Ô Ciel inférieur, Terre des siècles ! l’homme
    Avec autant d’effroi que de désir te nomme ;
    Heureux s’il a vécu sans honte et sans remord.
    Il passe ; rien n’est vrai, de sa vie éphémère.
    À peine il vient d’entrer dans le sein de sa mère
    Que déjà son visage est tourné vers la mort.

    Enveloppé de lin, pris dans mes bandelettes,
    Baigné d’...

  •  
    I

    Quel blasphème a souillé ma bouche ? Qu’ai-je dit ?
    Parce que la Nature, en de calmes retraites,
    Pensive et loin de nous poursuit ses fins secrètes,
    L’effort libre m’est-il à jamais interdit ?

    Ne fais-je qu’obéir à cette reine altière
    Alors qu’en frémissant je triomphe de moi ?
    Suis-je étreint par la loi, l’impitoyable loi,
    Comme ce...

  • I

    L’âme humaine est sans cesse en tous les sens poussée.

    Dans l’étrange forêt qu’on nomme la pensée,
    Tout existe. Sina n’exclut pas Cythéron.
    La douce flûte alterne avec le fier clairon ;
    Le fifre railleur donne aux lyres la réplique ;
    Ici Vesta cachée, et là Vénus publique ;
    Le taillis chaste admet les faunes impudents ;...

  • Les jours de rage militaire,
    Quand vibre et siffle et passe et se répand partout
    L’obus précis, ardent, volant et fou,
    Dites, les gens, les pauvres gens, entendez-vous
    ...

  •  

    MÉDITER de beaux vers, c’est apprendre son âme,
    La strophe est un miroir fidèle où l’on se voit
    Dans les traits d’un visage ami, pareil à soi,
    Avec la même angoisse aux yeux, la même flamme.

    Ce que j’ai de secret, un verbe le proclame ;
    Ce que j’ai de confus, un mot l’éclaire en moi ;
    Et dans sa vérité mon être s’aperçoit,
    Cruel et lamentable...