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    Te voilà fort et grand garçon,
    Tu vas entrer dans la jeunesse ;
    Reçois ma dernière leçon :
    Apprends quel est ton droit d’aînesse.

    Pour le connaître en sa rigueur
    Tu n’as pas besoin d’un gros livre ;
    Ce droit est écrit dans ton cœur…
    Ton cœur ! c’est la loi qu’il faut suivre.

    Afin de le comprendre mieux,
    Tu vas y lire avec ton père...

  • « Les forts auront les droits, les faibles les devoirs ! »
    On grava sur le roc cette loi sociale
    Et l’autorité fut l’Idole colossale
    Écrasant sous son char ses croyants blancs et noirs.

    Le pontife endormeur fuma ses encensoirs
    Et la foule peina, misérable et vassale.
    Alors, l’Égalité pris sa torche et, fatale,
    Incendia la caste et brûla les manoirs....

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    Vois-tu ce vieux tronc d'arbre aux immenses racines ?
    Jadis il s'anima de paroles divines ;
    Mais par les noirs hivers le chêne fut vaincu.
    Et la dryade aussi, comme l'arbre, a vécu.
    (Car, tu le sais, berger, ces déesses fragiles,
    Envieuses des jeux et des danses agiles,
    Sous l'écorce d'un bois où les fixa le sort,
    Reçoivent avec lui la...

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    « Tout est-il prêt ? partons. Oui, le mât est dressé ;
    Adieu donc. » Sur les bancs le rameur est placé ;
    La voile, ouverte aux vents, s'enfle et s'agite et flotte ;
    Déjà le gouvernail tourne aux mains du pilote.
    Insensé! vainement le serrant dans leurs bras,
    Femme, enfants, tout se jette au-devant de ses pas ;
    Il monte, on lève l'ancre. Élevé sur la...

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    Ô toi que l’univers adore,
    Ô toi que maudit l’univers,
    Fortune, dont la main, du couchant à l’aurore,
    Dispense les lauriers, les sceptres et les fers,
    Ton aveugle courroux nous garde-t-il encore
    Des triomphes et des revers ?

    Nos malheurs trop fameux proclament ta puissance ;
    Tes jeux furent sanglans dans notre belle France :
    Le peuple...

  • Du ciel poli comme un miroir
    Pleuvent les langueurs enflammées,
    Et nous suivons, au cœur du soir,
    L’irréel essor des fumées.

    J’adore tes gestes meurtris
    Et tes prunelles embrumées…
    Tu regrettes… Dans tes yeux gris
    Passent et...

  • Du courage ? Mon âme éclate de douleur.
    Cette vie me déchire. Je ne puis plus pleurer.
    Qu’y a-t-il, qu’y a-t-il, qu’y a-t-il, dans mon cœur ?
    Il est silencieux, terrible et déchiré.

    Pourtant qu’avais-je fait que de fumer ma pipe
    devant les doux enfants qui jouaient dans la rue ?
    Un serrement affreux me casse la poitrine.
    Je ne puis plus railler... C’...

  • Du fond du grabat
    As-tu vu l’étoile
    Que l’hiver dévoile ?
    Comme ton coeur bat,
    Comme cette idée,
    Regret ou désir,
    Ravage à plaisir
    Ta tête obsédée,
    Pauvre tête en feu,
    Pauvre coeur sans dieu !

    L’ortie et l’herbette
    Au bas du rempart
    D’où l’appel frais part
    D’une aigre trompette,
    Le vent du coteau,
    La...

  • I

    L'Occident était blanc, l'orient était noir ;
    Comme si quelque bras sorti des ossuaires
    Dressait un catafalque aux colonnes du soir,
    Et sur le firmament déployait deux suaires.

    Et la nuit se fermait ainsi qu'une prison.
    L'oiseau mêlait sa plainte au frisson de la plante.
    J'allais. Quand je levai mes yeux vers l'horizon...

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    Dans le flot des manants qui devant eux s’entr’ouvre,
    Deux raffinés, allant par le Pont-Neuf au Louvre,
    Causent joyeusement, bras dessus, bras dessous.

    Ils sont, en vérité, charmants, les jeunes fous !
    L’ombre que sur leurs yeux jette le feutre à plume
    Fait briller leurs regards que la vaillance allume,
    Et leur rire amical est encor belliqueux....