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    I

    La mystique Bretagne est une bonne vieille
    Dont la candeur enchante et la grâce émerveille.
    Modeste, elle n’a pas toujours de ces grands airs
    De cueilleuse de gui, de prêtresse des mers
    Qui font que de bien loin la foule s’agenouille.
    Parfois elle s’endort, en filant sa quenouille,
    Devant l’âtre enfumé qu’habite le grillon.
    Adieu le...

  • À Jules Christophe.

    L’homme, en manches de veste et, sous son chapeau noir,
    A cause du soleil, ayant mis son mouchoir,
    Tire gaillardement la petite voiture,
    Pour faire prendre l’air à sa progéniture,
    Deux bébés, l’un qui dort, l’autre suçant son doigt.
    La femme suit et pousse, ainsi qu’elle le doit,

    Très-lasse, et...

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    Il travaille, le jour, dans un bazar tout neuf,
    Criant : « Tout est à treize, et là, tout à vingt-neuf ! »
    Sa casquette est la plus superbe des casquettes,
    En soie, et fait valoir ses courbes rouflaquettes.
    Un foulard jaune tourne autour de son cou gras
    Et rouge, que font voir ses cheveux tondus ras.
    Comme sa connaissance a, ce soir, de l’ouvrage,...

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    À Démètre Perticari.

    Des parfums, des fleurs, des schalls, des colliers
                    Dans un château vaste.
    Des amants heureux sur tous les paliers,
                    Gens de haute caste.
    Des jambons jaunis, séchant sous l’auvent
                    De la cheminée.
    (On entend dehors la chanson du vent
                    Jamais...

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    I

    Dans son petit lit, sous le rayon pâle
    D’un cierge qui tremble et qui va mourir,
    L’enfant râle.
    Quel est le bourreau qui le fait souffrir ?

    Quel boucher sinistre a pris à la gorge
    Ce pauvre agnelet que rien ne défend ?
    Qui l’égorge ?
    Qui sait égorger un petit enfant ?

    Sombre nuit ! La chambre est froide. On frissonne.
    ...

  • C’est vrai, je suis épileptique,
    Je peux tomber trois fois par jour
    D’une fenêtre, d’un portique,
    Et d’une cloche de l’Amour.

    Mais… quel est cet air de reproche ?
    Ça ne fait que trois ? j’ai péché
    Et d’un joli quartier de roche,
    Où j’étais doucement niché.

    Je tombe, tombe, tombe, tombe,
    Ça fait bien quatre cette fois,
    Si j’étais un...

  • IV

    La foule tient pour vrai ce qu'invente la haine.
    Sur tout grand homme un ver, le mensonge, se traîne.
    Tout front ceint de rayons est d'épines mordu ;
    A la lèvre d'un dieu le fiel atroce est dû ;
    Tout astre a pour manteau les ténèbres infâmes.
    Ecoutez. Phidias était marchand de femmes,
    Socrate avait un vice auquel son nom...

  • Toi que j’ai recueilli sur sa bouche expirante
    Avec son dernier souffle et son dernier adieu,
    Symbole deux fois saint, don d’une main mourante,
                    Image de mon Dieu ;

    Que de pleurs ont coulé sur tes pieds que j’adore,
    Depuis l’heure sacrée où, du sein d’un martyr,
    Dans mes tremblantes mains tu passas, tiède encore
                    De son...

  • Je ne puis résister à la mélancolie
    De la feuille qui tombe & du jour qui s’en va ;
    À ce moment, en moi quelque chose se plie,
    Quelque chose de fier qui souffrit & rêva.

    Cette feuille qui tombe & qu’à jamais oublie
    L’arbre, auquel tout à l’heure un souffle l’enleva,
    Ce jour déjà mourant qui lutte & s’humilie
    Comme un proscrit blessé...

  • La jeunesse a vieilli ; la Poésie errante
    S’affolle dans la nuit d’une impasse interlope ;
    Le pessimisme cher, comme un crêpe, enveloppe
    L’Existence de son ombre désespérante ;

    La prose rampe au ras du sol, flairant l’immonde,
    Étalant au dégoût les vices pathétiques,
    Et dans ce désarroi des vaines Poétiques...