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    Oui je t'aime, cité, création de Pierre ;
    J'aime le morne aspect de ta large rivière,
    J'aime tes dômes d'or où l'oiseau fait son nid,
    Et tes grilles d'airain et tes quais de granit.
    Mais ce qu'avant tout j'aime, ô cité d'espérance,
    C'est de tes blanches nuits la molle transparence,
    Qui permet, quand revient le mois heureux des fleurs,
    Que l'...

  • C’est un fort beau cheval : une large poitrine,
    Des jambes de gazelle, et dans chaque narine
                    Une fauve lueur,
    La queue échevelée, une crinière folle
    Qui se déroule au vent comme une banderole
                    Sur le col en sueur ;

    Des yeux fiers, pleins de vie, ardents comme la braise,
    Qu’on prendrait pour deux trous au mur d’une...

  • Pour sauver son époux, Çavitri fit le vœu
    De se tenir trois jours entiers, trois nuits entières,
    Debout, sans remuer jambes, buste ou paupières :
    Rigide, ainsi que dit Vyaça, comme un pieu.

    Ni, Curya, tes rais cruels, ni la langueur
    Que Tchandra vient épandre à minuit sur les cimes
    Ne firent défaillir, dans leurs efforts sublimes,
    La pensée et la...

  • Caügt avait deux jolis coqs dans son panier.
    Il a quatre-vingts ans. Il vit près des sentiers
    de Saint-Boès qui sont désolés et sauvages.
    Les bécassines y font luire leur plumage.
    Caügt m’a dit : salut ! Et dans le champ sauvage
    ma chienne essoufflée ramassait la bécassine
    tuée. Caügt m’a dit : j’ai connu vos parents
    qui sont morts. J’ai quatre-vingts...

  • Ce doux hiver qui égale ses jours 
    À un printemps, tant il est aimable,  
    Bien qu’il soit beau, ne m’est pas agréable,  
    J’en crains la queue, et le succès toujours.

    J’ai bien appris que les chaudes amours,  
    Qui au premier vous servent une table 
    Pleine de sucre et de mets délectable,  
    Gardent au fruit leur amer et leurs tours.

    Je vois déjà...

  • Ce fils de paysan qui était bachelier,
    Nous avons suivi son convoi le long des lierres.

    Le Dimanche il quittait la petite ville
    et il allait déjeuner avec sa famille.
    ... L’après-midi, me disait-il, j’y lis Virgile.

    En pensant à cela mon cœur s’enfle et se tord
    — et je sens dans l’azur comme un parfum de mort.

    ... Oui, tu lisais Virgile, ami. Car l...

  • Ce grand renom de ton meslé sçavoir
    Demonstre bien, que tu es l’excellence
    De toute grace exquise pour avoir
    Tous dons des Cieulx en pleine jouyssance.

    Peu de sçavoir, que tu fais grand nuysance
    A mon esprit, qui n’à la promptitude
    De mercier les Cieulx pour l’habitude
    De celui là, ou les trois Graces prinses
    Contentes sont de telle servitude...

  • Ce monde composé d’un discordant accort
    Fait toute chose humaine aller à son contraire,
    Et sous le mouvement du monde elementaire
    Il n’est rien de certain que le coup de la mort.

    La mort passe par tout, dez l’oëst jusqu’au Nort
    Des le Sus jusqu’à l’Est, le meurdrier sanguinaire
    Fuit ainsi le meurdrier, & ne scauroit on faire
    Qu’apres un long...

  • Vos premières saisons à peine sont écloses,
    Enfant, et vous avez déjà vu plus de choses
    Qu’un vieillard qui trébuche au seuil de son tombeau.
    Tout ce que la nature a de grand et de beau,
    Tout ce que Dieu nous fit de sublimes spectacles,
    Les deux mondes ensemble avec tous leurs miracles.
    Que n’avez-vous pas vu ? les montagnes, la mer,
    La neige et les...

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    Quand Christophe Colomb eut enfin découvert
    Ce continent lointain qu’on croyait chimérique,
    Il mourut loin du sol qu’il avait entr’ouvert,
    Et Vespuce donna son nom à l’Amérique.

    Si la femme portait le nom doux et chéri
    De son premier amant, Anglais, Français ou Russe,
    Ce serait rarement celui de son mari.
    — Un mari n’est jamais qu’un Améric...