Jean-Baptiste Chassignet

  • Nous n'entrons point d'un pas plus avant en la vie
    Que nous n'entrions d'un pas plus avant en la mort,
    Nostre vivre n'est rien qu'une eternelle mort,
    Et plus croissent nos jours, plus decroit nostre vie :

    Quiconque aura vescu la moitié de sa vie,
    Aura...

  • Conte les ans, les mois, les heures et les jours
    Et les points de ta vie, et me dis, malhabile,
    Où ils s'en sont allés : comme l'ombre fragile
    Ils se sont écoulés sans espoir de retour.

    Nous mourons et nos jours roulent d'un vite cours
    L'un l'autre se poussant...

  • Qu'est-ce de votre vie ? une bouteille molle
    Qui s'enfle dessus l'eau, quand le ciel fait pleuvoir
    Et se perd aussitôt comme elle se fait voir,
    S'entre-brisant à l'heurt d'une moindre bricole :

    Qu'est-ce de votre vie ? un mensonge frivole
    Qui sous ombre du vrai...

  • Si tu meurs en jeunesse, autant as tu gousté
    D'amour, et de douceur durant ce peu d'espace,
    Que si de deus cens ans tu par-faisois la trace,
    Nul plaisir est nouveau sous le ciel revouté :

    Pour boire plusieurs fois le ventre degousté
    N'en est de rien plus soul,...

  • À beaucoup de danger est sujette la fleur,
    Ou l'on la foule aux pieds ou les vents la ternissent,
    Les rayons du soleil la brûlent et rôtissent,
    La bête la dévore, et s'effeuille en verdeur :

    Nos jours entremêlés de regret et de pleur
    À la fleur comparés comme...

  • L'enfance incontinent meurt devant la jeunesse,
    L'adolescence fait la jeunesse mourir,
    La virilité fait au monument* courir
    L'âge d'adolescence où l'amour nous oppresse,

    La virilité cède à la morne vieillesse,
    La mort fait le surgeon de vieillesse tarir,
    ...

  • Tantost la crampe aus piés, tantost la goute aus mains,
    Le muscle, le tendon, et le nerf te travaille ;
    Tantost un pleuresis te livre la bataille,
    Et la fievre te poingt de ses trais inhumains ;

    Tantost l'aspre gravelle espaissie en tes reins
    Te pince les...

  • Assies toy sur le bort d'une ondante riviere
    Tu la verras fluer d'un perpetuel cours,
    Et flots sur flots roulant en mille et mille tours
    Descharger par les prèz son humide carriere.

    Mais tu ne verras rien de ceste onde premiere
    Qui n'aguiere couloit, l'eau...

  • L'enfance n'est sinon qu'une stérile fleur,
    La jeunesse qu'ardeur d'une fumière* vaine,
    Virilité qu'ennui, que labeur, et que peine,
    Vieillesse que chagrin, repentance, et douleur ;

    Nos jeux que déplaisirs, nos bonheurs que malheur,
    Nos trésors et nos biens que...

  • Où pourra-t-on trouver en ce val de misère
    Un lieu tant arrêté dont tu ne chèses bas,
    Considérant d'Héli l'inopiné trépas,
    Mourant en sa maison assis sur une chaire ?

    C'est faute de raison quand, timide, on révère
    Le monde déguisé dont les gluants appas
    ...