• À quoi sert un brin d’herbe? — À rien,
    Dit l’aigle à la serre puissante.
    — Moi, répond la taupe innocente,
    Par dessous je ne vois pas bien.

    — C’est notre pain quotidien,
    Dit la brebis reconnaissante.
    — C’est l’œuvre toujours renaissante
    Du créateur, dit le chrétien.

    Et le poète solitaire
    Que, jusqu’au trépas, le mystère
    De la...

  • La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
    Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
    D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
    Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
    Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
    Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
    Sur le vide papier que la blancheur défend
    Et ni la jeune...

  • La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
    Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
    D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
    Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux,
    Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe,
    Ô Nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
    Sur le vide papier que la blancheur défend,
    Et ni la...

  • Dans le soir qui descend, lugubre, à l’infini,
    Les grands ajoncs craintifs ont cessé leur murmure,
    Et ces fous de lutins, que la nuit seule endure,
    Ont soudain détalé devant le char maudit.

    Il vient du Saint-Michel, tout droit par les tourbières,
    Sans crainte du péril qu’il trouve à chaque pas,
    En chassant les damnés qui, depuis leur trépas,
    ...

  •  
    Mon Âme, je voudrais te faire souvenir
    Du beau soir vaporeux, du soir de l’autre année,
    Du soir dont nous aimions la verdure fanée
    Avec l’amour qu’on a pour ce qui va finir.

    Rappelle-toi l’étang du parc avec son île
    Formant comme un navire à l’ancre, enguirlandé
    De feuillage, où le clair de lune avait brodé
    Toute une floraison diaphane et...

  •  
    C’est l’âme des aïeux que vers l’azur clément
    Les grands arbres des bois élèvent lentement,
    Debout dans leur vieillesse héroïque et superbe ;
    Nos morts, nos jeunes morts, à nous, dorment sous l’herbe.

    Quelque broussaille, à peine, aux feuillages penchés,
    Jette un rameau vivant sur les premiers couchés
    Et rend à nos regards, à l’air sacré qui passe,...

  •  
    La paix du soir descend sur la ville tranquille,
    Sur les canaux le sang rouge du soleil coule,
    Et un désir ardent, sans but, inexprimable,
    Commence alors à parler des grises tours.

    Profondes, merveilleuses, les vieilles cloches chantent
    Les jours où leur cri de joie émouvait tout le pays,
    Et où la magnificence et la vie étaient dans les rues claires...

  •  
    Chanson neuve et toujours la même
    Que la rivière dit au vent,
    À l’objet inerte et mouvant,
    Au soir brun comme au matin blême.

    Pour moi, tu n’es pas un emblème
    Du bruit humain si décevant,
    Chanson neuve et toujours la même
    Que la rivière dit au vent.

    Dans la solitude que j’aime
    Tu berces mon esprit rêvant,
    Et tu m’apaises...

  •  

    ENNUI, crainte, détresse… On ne sait quoi dans l’air
    De ce jour ténébreux s’appesantit sur l’âme…
    O le bonheur léger du soleil large et clair,
    Lumière qui, pareille à l’amour, se proclame !

    Angoisse puérile et peine sans raison
    Toute ma force fuit et s’épand dans la brume ;
    Parce que je regarde un trop proche horizon,
    Je sens mon faible cœur...

  • Oh ! ces brumes, au long des torpides semaines !
    Brumes quand l’aube point, brumes quand vient le soir ;
    Tout azur est fané, toute lumière est vaine :
    Voici la pluie immense et molle et l’autan noir.

    Les fossés gorgés d’eau, les mares croupissantes,
    Lentement, lourdement, rongent les sols fendus ;
    La ferme semble morte où conduisent les sentes
    Et les...