Les Brumes d’hiver

Oh ! ces brumes, au long des torpides semaines !
Brumes quand l’aube point, brumes quand vient le soir ;
Tout azur est fané, toute lumière est vaine :
Voici la pluie immense et molle et l’autan noir.

Les fossés gorgés d’eau, les mares croupissantes,
Lentement, lourdement, rongent les sols fendus ;
La ferme semble morte où conduisent les sentes
Et les chemins qui vont au loin semblent perdus.

Les mendiants apparaissent près des chaumières,
Sortant des horizons où se cachent les bois :
Et les cailloux rugueux et lourds de leur prière
Se heurtent dans leur gorge et grincent dans leur voix.

Au coin du champ voisin, où les meules s’accoudent,
Les noirs choucas traversent l’air de leur vol lourd ;
L’étable et les fournils dorment ; les granges boudent ;
Et seuls, les hauts fumiers fument au fond des cours.

Un grand silence mou charge ces pourritures ;
Et rien ne s’entendrait, au long des jours lassés,
Si, du côté des bourgs, quelque cloche âpre et dure
Ne sonnait, vers le soir, pour d’obscurs trépassés.

Collection: 
1933

More from Poet

  • Le corps ployé sur ma fenêtre,
    Les nerfs vibrants et sonores de bruit,
    J'écoute avec ma fièvre et j'absorbe, en mon être,
    Les tonnerres des trains qui traversent la nuit.
    Ils sont un incendie en fuite dans le vide.
    Leur vacarme de fer, sur les plaques des ponts,...

  • Lorsque la pourpre et l'or d'arbre en arbre festonnent
    Les feuillages lassés de soleil irritant,
    Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
    Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.

    Il s'y tasse comme une épargne ; il se recueille
    Au coeur de la...

  • D'énormes espaliers tendaient des rameaux longs
    Où les fruits allumaient leur chair et leur pléthore,
    Pareils, dans la verdure, à ces rouges ballons
    Qu'on voit flamber les nuits de kermesse sonore.

    Pendant vingt ans, malgré l'hiver et ses grêlons,
    Malgré les gels...

  • Les horizons cuivrés des suprêmes automnes
    Meurent là-bas, au loin, dans un carnage d'or.
    Où sont-ils les héros des ballades teutonnes
    Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort ?

    Ils passaient par les monts, les rivières, les havres,
    Les burgs - et...

  • Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
    Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.

    Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
    Et c'est le soir, et c'est la nuit, et c'est novembre.

    Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
    Le mur est...