• LE BANQUET DES GUEUX

    La joie

    Des yeux qui voient
    S’emplir, jusques aux bords,
    Les hanaps d’or,
    Illuminait tous les visages ;
    On se sentait unis ; on se rêvait vainqueurs.
    La...

  •  
    À la santé du rire ! Et j’élève ma coupe,
    Et je bois follement comme un rapin joyeux.
    Ô le rire ! Ha ! ha ! ha ! qui met la flamme aux yeux,
    Ce vaisseau d’or qui glisse avec l’amour en poupe !

    Vogue pour la gaieté de Riquet-à-la-Houppe !
    En bons bossus joufflus gouaillons pour le mieux.
    Que les bruits du cristal éveillent nos aïeux
    Du grand...

  • Je méditais une ode, ou pis peut-être,
    Quand tout à coup grand bruit dans le quartier ;
    « À l’entre-sol un garçon vient de naître ;
    » Notre portière accouche d’un portier !… »
    Ornant de fleurs ses langes un peu sales,
    Je l’ai vu beau, beau comme un fils de roi,
    Pleurer au bruit des cloches baptismales :
    Dors, mon enfant, rien n’a sonné pour toi.

    ...
  •  
    Dans Vérone la rousse où les pampres sont d'or
    Sous la brûlure d'un éternel messidor,
    Où l'attendrissement épars, que tout reflète,
    D'avoir vu Roméo mourir et Juliette,
    Donne sur le tombeau guerrier des Scaliger
    Une teinte plus rose à la rouille du fer,
    Les palais, ce jour-là, de l'Adige aux Arènes,
    S'épanouissaient mieux dans les chaleurs...

  •  
    I

    Dans les plaines où luit, d’un éclat jaune et morne,
    Des sables ondoyants l’aridité sans borne,
    Loin des puits et de l’ombre et plus loin des humains,
    Est accroupi, couvrant sa tête de ses mains,
    Fauve, sombre, immobile et différant à peine
    Des rochers calcinés perçant la molle arène,
    Un homme aux durs contours, aux flancs maigres, nerveux,...

  •  
    I

    Monte à la tour sonore, ô reine des cantiques !
    Répands les grands soupirs de ton sein débordants !
    Dieu touchait d'un feu pur les lèvres prophétiques ;
    Il t'a fait naître aussi dans les charbons ardents.

    Le temple t'accueillit tiède encor de la flamme ;
    Comme un fils des humains, d'eau, d'encens et de sel,
    Le prêtre te baptise en te...

  • Je la vois d’ici, la marraine,
    Vraie altesse républicaine,
    Svelte et fine comme un glaïeul,
    Près de son lourdaud d’Allemagne,
    Cassant la fiole de Champagne
    Sur le flanc du yacht, son filleul.

    Je l’entends prononcer, de même,
    La formule de ce baptême,
    D’une voix — je veux croire en or,
    Et dans son spécial idiome :
    « Au nom de l’...

  •  
    LA NOURRICE.

    Maîtresse, un étranger trouble la solitude
    Où tu fuis, loin des yeux, l’éclat brûlant du jour :
    Son pas sonore émeut les marbres de la cour ;
    Il commande, il t’appelle en son langage rude.
    Sous la rouge toison il cache un torse nu ;
    D’ardents cheveux en flots inondent son épaule.
    Les bords Kymmériens, la Scythie ou la Gaule
    ...

  •  
    I

    Ne se rappelant plus les morts de Marathon,
    A coups de pique, à coups de fouet et de bâton,
    Xerxès avait chassé ses troupeaux de l’Asie.
    Il voulait cette perle, Hellas. Sa fantaisie
    Etait d’avoir dans Suse et dans Persépolis
    Des esclaves d’Argos, belles comme des lis :
    Pour tromper ses ennuis et ses songes moroses,
    Leur beauté fleurira...

  • Dites, la jeune belle !
    Où voulez-vous aller ?
    La voile ouvre son aile,
    La brise va souffler !

    L’aviron est d’ivoire,
    Le pavillon de moire,
    Le gouvernail d’or fin ;
    J’ai pour lest une orange,
    Pour voile une aile d’ange,
    Pour mousse un séraphin.

    Dites, la jeune belle !
    Où voulez-vous aller ?
    La voile ouvre son aile,...