Je la vois d’ici, la marraine,
Vraie altesse républicaine,
Svelte et fine comme un glaïeul,
Près de son lourdaud d’Allemagne,
Cassant la fiole de Champagne
Sur le flanc du yacht, son filleul.
Je l’entends prononcer, de même,
La formule de ce baptême,
D’une voix — je veux croire en or,
Et dans son spécial idiome :
« Au nom de l’empereur Guillaume,
Je te baptise « Meteor » !
Ah ! ah ! le beau foutu baptême
Que voilà ! Je dirai, que même
Jamais aux chais de nos Bercy
On n’en a « commis » d’aussi moche.
Car, si le parrain. était boche,
Le Champagne l’était aussi !
Des esprits fols et chimériques,
Si nombreux dans les Amériques,
Diront : « Qu’est-ce que cela fout ?
Du moment que ledit Champagne,
Qu’il vînt de France ou d’Allemagne,
N’était pas pour boire, après tout ? »
Vous en parlez bien à votre aise.
Hé ! messieurs, ne vous en déplaise,
Puisque le vin est adopté
Pour ce baptême symbolique,
Il le faut choisir « catholique »,
Sans quoi, c’est un geste raté.
Et puis, monsieur, et vous, madame,
Un navire ! C’est, corps et âme,
Quelqu’un. Et, ce « Meteor »-ci
A dû tressaillir sur sa quille,
Comme frappé d’une torpille,
De se voir baptiser ainsi !
Qu’en penses-tu, Scellier, mon brave ?
Est-ce que jamais dans ta cave
Entra du Champagne allemand ?
Admets-tu cette marchandise ?
Non… mais, vois-tu qu’on nous baptise
Avec un pareil lavement ?