• Un aveugle au coin d’une borne,
    Hagard comme au jour un hibou,
    Sur son flageolet, d’un air morne,
    Tâtonne en se trompant de trou,

    Et joue un ancien vaudeville
    Qu’il fausse imperturbablement ;
    Son chien le conduit par la ville,
    Spectre diurne à l’œil dormant.

    Les jours sur lui passent sans luire ;
    Sombre, il entend le monde obscur
    ...

  • L’humble vieille qui se désole
    Dit, gémissant chaque parole :
    « Contr’ le sort j’n’ai plus d’résistance.
    ...

  • Bonheur, faut-il que je finisse
    Sans t’avoir jamais rencontré ?
    Disait, mourant dans un hospice,
    Un pauvre obscur, quoique lettré.
    Un doux fantôme à lui se montre :
    — Je suis le Bonheur ; oui, c’est moi.
    Sans s’en douter tel me rencontre
    Qui me suppose un train de roi.

    Tu m’as vu jadis au village.
    Ta Suzette, qui t’aimait tant,
    C’...

  •  
    Aux rayons rutilants d’Avril la neige fond,
    Chaque route s’effondre et tout sentier s’efface,
    Les vastes flots grondants du Fleuve écumeux font
    Voler en lourds éclats ses entraves de glace.

    Pas un nuage au ciel ! pas un souffle dans l’air !
    Les baisers du soleil argentent les ramures,
    Et des pins, dont les vents tordaient la cime hier,
    Vers l’...

  •  

    LE ciel est d’un azur si pur qu’il en est blanc.
    C’est Avril qui revient, Avril doux et trop lent
    Et qui, pour émouvoir la torpeur de la terre,
    Lui tire, du soleil, des flèches de lumière.
    C’est le dimanche où les mains portent des rameaux
    Que le prêtre bénit avec de divins mots.
    Et c’est, là-bas encore, au clocher de Saint-Jacques,
    La musique...

  • Louis, voici le temps de respirer les roses,
    Et d’ouvrir bruyamment les vitres longtemps closes ;
    Le temps d’admirer en rêvant
    Tout ce que la nature a de beautés divines
    Qui flottent sur les monts, les bois et les ravines
    Avec l’...

  •  
    Atlas porte le monde, et, les poings sur les reins,
    Suant, le front plissé, le sang à la narine ;
    Il pleure, et dans le creux de sa grande poitrine
    Appuie en gémissant sa barbe aux rudes crins.

    « Debout ! forgez des socs, des leviers et des freins !
    Crie Atlas aux mortels que le travail chagrine ;
    Les bêtes, les forêts, les champs et l’eau marine,...

  •  
    Axilis, allongé sur l'herbe de la rive,
    Suit d'un œil nonchalant le clair ruisseau d'eau vive
    Qui court, léger d'aurore, au milieu des prés verts.
    Le bois s'éveille à peine, et les champs sont déserts...
    Axilis laisse errer sur sa flûte d'ébène
    Des doigts vagues qu'un même accord toujours ramène ;
    Car il semble exhalé, si limpide et si pur,
    Par...

  • Charlemagne, empereur à la barbe fleurie,
    Revient d’Espagne ; il a le cœur triste, il s’écrie :
    « Roncevaux ! Roncevaux ! ô traître Ganelon ! »
    Car son neveu Roland est mort dans ce vallon
    Avec les douze pairs et toute son armée.
    Le laboureur des monts qui vit sous la ramée
    Est rentré chez lui, grave et calme, avec son chien ;
    Il a baisé sa femme au...

  • De l’éternel Azur la sereine ironie
    Accable, belle indolemment comme les fleurs,
    Le poëte impuissant qui maudit son génie
    À travers un désert stérile de Douleurs.

    Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
    Avec l’intensité d’un remords atterrant,
    Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde
    Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ?

    ...