Avril

 
Aux rayons rutilants d’Avril la neige fond,
Chaque route s’effondre et tout sentier s’efface,
Les vastes flots grondants du Fleuve écumeux font
Voler en lourds éclats ses entraves de glace.

Pas un nuage au ciel ! pas un souffle dans l’air !
Les baisers du soleil argentent les ramures,
Et des pins, dont les vents tordaient la cime hier,
Vers l’éther lumineux montent de gais murmures.

Dans les bois le dégel vernal clôt les chantiers.
Le sol n’y tremble plus des chocs de l’abattage.
Les voyageurs d’en haut, aussi joyeux qu’altiers,
Sac au dos, en chantant, reviennent au village.

De retour avec eux, ivres de liberté,
Autour de nos logis s’ébattent les corneilles.
Des aspects et des bruits nouveaux de tout côté
Émerveillent nos yeux, enivrent nos oreilles.

Les frais ruisseaux d’argent, où le ciel transparaît,
Roucoulent dans le creux des combes embaumées.
En spirales d’azur, à travers la forêt,
De mille feux ardents s’élèvent des fumées.

Sous les éclats couvrant leurs huttes en bois ronds,
― Comme perdus au sein du désert insondable, ―
Les vaillants sucriers, penchés sur leurs chaudrons,
Surveillent la cuisson du blond sucre d’érable.

Déjà sous l’outremer des grands cieux éclatants
La terre sent frémir en elle les pervenches,
Déjà vaguement flotte une odeur de printemps,
Et les premiers bourgeons éclatent sur les branches.

Collection: 
1912

More from Poet

  • Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
    Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
    Et, faite pour chanter les gloires d'autrefois,
    Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

    Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
    Le séduisant brio du...

  • La nuit d'hiver étend son aile diaphane
    Sur l'immobilité morne de la savane
    Qui regarde monter, dans le recueillement,
    La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
    L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
    Brille à travers les fûts de la forêt profonde....

  • Derrière deux grands boeufs ou deux lourds percherons,
    L'homme marche courbé dans le pré solitaire,
    Ses poignets musculeux rivés aux mancherons
    De la charrue ouvrant le ventre de la terre.

    Au pied d'un coteau vert noyé dans les rayons,
    Les yeux toujours fixés sur...

  • C'est un après-midi du Nord.
    Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
    Et l'arbre du chemin se tord
    Sous la rafale qui l'assiège.

    Depuis l'aurore, il neige à flots ;
    Tout s'efface sous la tourmente.
    A travers ses rauques sanglots
    Une cloche au loin se...

  •  
    À Mme C. P.

    La jeune mère, avec son fils, sur le gazon
    Du parc vient de humer la brise printanière.
    Le soleil moribond de sa lueur dernière
    Empourpre vaguement le bord de l’horizon.

    À peine le baiser du vent met un frisson
    Dans les...