• QUAND n’ayant même pas d’ami qui m’accompagne
    Je m’enfonce pensif à travers la campagne,
    Pour faire de mon cœur chanter l’intime voix,
    Ainsi qu’un moissonneur couché sur une gerbe,
    Un vieux tombeau, dormant avec sa vieille croix.

    Autant le cimetière et tous ses mausolées
    Me laissent froid devant leurs splendeurs désolées,
    Autant je rends un culte à...

  • CLAIRE est la nuit, limpide est l’onde.
    Les astres faisant leur miroir
    De la nappe large et profonde,
    Y sont encor plus doux à voir.

    Le paysage a, sur la rive,
    Le charme et le rêve absolus.
    Trop tôt quelque laideur arrive.
    Rameurs, c’est bien ; ne ramez plus.

    Le ciel verse la somnolence,
    La terre l’aspire à longs traits ;
    La brise...

  • TU demandes où vont mes pensers aujourd’hui,
    Pourquoi je ne dis rien, et si c’est par ennui ?
    Non, ce n’est pas l’ennui, c’est l’amour qui m’oppresse.
    Si je courbe le front, c’est sous trop d’allégresse,
    Comme un arbre au printemps se courbe sous ses fleurs.
    La cime a ses glaciers, la joie a ses pâleurs.
    Il est de ces moments mystérieux où l’âme,
    A...

  • LES roses, je les hais, les insolentes roses
    Qui du plaisir facile et changeant sont écloses,
    Les roses dont l’envie est d’aller à chacun
    Montrer leur coloris et livrer leur parfum,
    Les roses pour qui rien n’est plus beau que la terre,
    Les roses sans douleur, sans rêve et sans mystère.
    Quelquefois j’ai voulu m’en couronner, pensant,
    Pour endormir le...

  • DES violettes sont, d’une nature exquise,
    Dont la teinte est plus pâle et plus vague l’odeur ;
    Il leur faut le soleil et non l’ombre indécise,
    L’essence en est plutôt l’amour que la pudeur.

    Dans la serre, à l’automne, on met ces violettes ;
    Car, dès qu’il vient du froid, cela les fait mourir ;
    Moins vivaces pourtant, elles sont plus complètes
    Que...

  • I

    VOYAGEUR, prends garde ! c’est l’heure
    Où le soleil va se coucher.
    Pour la nuit cherche une demeure ;
    Tes pieds saignent de trop marcher.

    — Non ! je poursuivrai la lumière,
    Non ! je poursuivrai le soleil,
    Franchissant montagne et rivière,
    Sans prendre repos ni sommeil,

    Et j’atteindrai l’ardente flamme,
    Le pur et l’éternel foyer...