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    La Satiété dort au fond de vos grands yeux ;
    En eux, plus de désirs, plus d’amour, plus d’envie ;
    Ils ont bu la lumière, ils ont tari la vie,
    Comme une mer profonde où s’absorbent les cieux.

    Sous leur bleu sombre on lit le vaste ennui des Dieux,
    Pour qui toute chimère est d’avance assouvie,
    Et qui, sachant l’effet dont la cause est suivie,
    ...

  • Les pitons des sierras, les dunes du désert,
    Où ne pousse jamais un seul bin d’herbe vert ;
    Les monts aux flancs zébrés de tuf, d’ocre et de marne,
    Et que l’éboulement de jour en jour décharne,
    Le grès plein de micas papillotant aux yeux,
    Le sable sans profit buvant les pleurs des cieux,
    Le rocher renfrogné dans sa barbe de ronce,
    L’ardente solfatare...

  • Nodier raconte qu’en Espagne
    Trois officiers cherchant, un soir,
    Une venta dans la campagne,
    Ne trouvèrent qu’un vieux manoir ;

    Un vrai château d’Anne Radcliffe,
    Aux plafonds que le temps ploya,
    Aux vitraux rayés par la griffe
    Des chauves-souris de Goya,

    Aux vastes salles délabrées,
    Aux couloirs livrant leur secret,
    Architectures...

  • Voici l’orme qui balance
    Son ombre sur le sentier ;
    Voici le jeune églantier,
    Le bois où dort le silence,
    Le banc de pierre où, le soir,
    Nous aimions à nous asseoir.

    Voici la voûte embaumée
    D’ébéniers et de lilas,
    Où, lorsque nous étions las,
    Ensemble, ô ma bien-aimée !
    Sous des guirlandes de fleurs,
    Nous laissions fuir les...

  • J’ai dans mon cœur, dont tout voile s’écarte,
    Deux bancs d’ivoire, une table en cristal,
    Où sont assis, tenant chacun leur carte,
    Ton faux amour et mon amour loyal.

    J’ai dans mon cœur, dans mon cœur diaphane,
    Ton nom chéri qu’enferme un coffret d’or ;
    Prends-en la clef, car nulle main profane
    Ne doit l’ouvrir ni ne l’ouvrit encor.

    Fouille mon...

  • J’ai laissé de mon sein de neige
    Tomber un œillet rouge à l’eau.
    Hélas ! comment le reprendrai-je
    Mouillé par l’onde du ruisseau ?
    Voilà le courant qui l’entraîne !
    Bel œillet aux vives couleurs,
    Pourquoi tomber dans la fontaine ?
    Pour t’arroser j’avais mes pleurs !

  • Or çà, la belle fille,
    Ouvrez cette mantille !
    C’est trop de cruauté ;
    Faites-nous cette joie
    Que pleinement on voie
    Toute votre beauté.

    Apprenez-le, mignonne,
    Quand le bon Dieu vous donne
    Un corps aussi parfait,
    C’est afin qu’on le sache,
    Et c’est péché qu’on cache
    Le présent qu’il a fait.

    Aime-moi, je suis riche...

  • J’allais partir ; doña Balbine
    Se lève et prend à sa bobine
              Un long fil d’or ;
    À mon bouton elle le noue,
    Et puis me dit, baisant ma joue :
              « Restez encor !

    « Par l’un des bouts ce fil, trop frêle
    Pour retenir un infidèle,
              Tient à mon cœur…
    Si vous partez, mon cœur s’arrache :
    Un nœud si fort à vous m’...

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    J’étais parti, voyant le ciel limpide et clair
    Et les chemins séchés, afin de prendre l’air,
    D’ouïr le vent qui pleure aux branches du mélèze,
    Et de mieux travailler : car on est plus à l’aise,
    Pour méditer le plan d’un drame projeté,
    Refondre un vers pesant et sans grâce jeté,
    Ou d’une rime faible, à sa sœur mal unie,
    Par un son plus exact...

  • Je sais un nid charmant et tendre
    Où niche l’oiseau bleu du cœur,
    L’oiseau dont nul ne peut entendre
    Sans tressaillir, l’accent vainqueur ;

    Nid plein de grâces sans pareilles,
    Qui, sous un rayon de gaieté,
    Scintillent comme des abeilles
    Dans l’or des aurores d’été.

    Formé de fleurs fraîches écloses,
    Œuvre admirable de l’amour,
    Des...