Le Jardin des Plantes

 
J’étais parti, voyant le ciel limpide et clair
Et les chemins séchés, afin de prendre l’air,
D’ouïr le vent qui pleure aux branches du mélèze,
Et de mieux travailler : car on est plus à l’aise,
Pour méditer le plan d’un drame projeté,
Refondre un vers pesant et sans grâce jeté,
Ou d’une rime faible, à sa sœur mal unie,
Par un son plus exact réparer l’harmonie,
Sous les arbres touffus inclinés en arceaux
Du labyrinthe vert, quand des milliers d’oiseaux
Chantent auprès de vous, et que la brise joue
Dans vos cheveux épars et baise votre joue,
Qu’on ne l’est dans sa chambre, un bureau devant soi,
S’étant fait d’y rester une pénible loi,
Et, comme un ouvrier que son devoir attache,
De ne pas s’arrêter qu’on n’ait fini sa tâche,
Remis le tout au net, et bien dûment serré
L’œuvre dans un tiroir aux profanes sacré ;
Et je m’étais promis de rapporter la feuille
Où, du crayon aidé, mon doigt fixe et recueille
Mes pensers vagabonds, pleine jusques aux bords
De vers harmonieux, poétiques trésors,

Destinés à grossir un trop mince volume.
Vains projets ! notre esprit est pareil à la plume,
Un souffle d’air l’emporte hors de son droit chemin,
Et nul ne peut prévoir ce qu’il fera demain.
Aussi moi, pauvre fou, séduit par l’étincelle
Qui, furtive, jaillit d’une noire prunelle,
Par un rire qui livre aux yeux de blanches dents,
Oubliant prose et vers, de mes regards ardents
Je suis la jeune fille, et bientôt, moins timide,
J’égale à son pas leste et prompt mon pas rapide,
Je risque quelques mots et place sous mon bras,
Quoiqu’on dise : « Méchant ! » et qu’on ne veuille pas,
Une main potelée ; et nous allons à l’ombre,
Dans un lieu du jardin bien tranquille et bien sombre,
Faire mieux connaissance, et jouer et causer
Et sur le banc de pierre après nous reposer,
Et nous nous promettons de nous revoir dimanche ;
Et je reviens avec ma feuille toute blanche.

Collection: 
1831

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