• À présent voici comme une prière,
    et c’est la vie d’ici qui dit son temps
    selon le soleil, le jour et la mer,
    et les villes où l’aller des passants

    montre chacun œuvrant à sa manière :
    seigneur à cheval, à pied paysan,
    et pour les fins de l’âme ou de la chair
    moines, matelots, pêcheurs, tisserands....

  •  

    Comme une ville qui s’allume
    Et que le vent vient d’embraser,
    Tout mon cœur brûle et se consume,
    J’ai soif, oh ! j’ai soif d’un baiser.

    Baiser de la bouche et des lèvres
    Où notre amour vient se poser,
    Plein de délices et de fièvres,
    Ah ! j’ai soif, j’ai soif d’un baiser !

    Baiser multiplié que l’homme
    Ne pourra jamais épuiser,...

  •  
    Quand j’étais tout enfant, ma bouche
    Ignorait un langage appris :
    Du fond de mon étroite couche
    J’appelais les soins par des cris ;

    Ma peine était la peur cruelle
    De perdre un jouet dans mes draps,
    Et ma convoitise était...

  • X

    Comme dans les étangs assoupis sous les bois,
    Dans plus d’une âme on voit deux choses à la fois,
    Le ciel, qui teint les eaux à peine remuées
    Avec tous ses rayons et toutes ses nuées,
    Et la vase, — fond morne, affreux, sombre et dormant...

  • Comme le corps ne permect point de veoir,
    A son esprit, ny sçauoir sa puissance :
    Ainsi l’erreur, qui tant me faict avoir
    Deuant les yeulx le bandeau d’ignorance,
    Ne m’à permis d'auoir la congnoissance
    De celuy là, que pour pres le chercher
    Les Dieux avoient voulu le m’approcher :
    Mais si hault bien ne m’àsceu apparoistre.
    Parquoy a droict l’on...

  • Comme un chant de cloche pour les vêpres douces
    s’arrête doucement sur la colline en mousse
    près d’une tourterelle aux pattes roses,
    mon âme qui chante auprès de vous se pose.

    Comme un lis blanc au jardin du vieux presbytère
    se parfume doucement par la douceur des pluies,
    par votre douceur, qui est une rosée de taillis,
    mon âme triste et douce comme...

  •  
    Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphire
           Anime la fin d’un beau jour,
    Au pied de l’échafaud j’essaye encor ma lyre.
           Peut-être est-ce bientôt mon tour ;
    Peut-être avant que l’heure en cercle promenée
           Ait posé sur l’émail brillant,
    Dans les soixante pas où sa route est bornée,
           Son pied sonore et vigilant,...

  •  
    Comme un fruit au printemps et dans sa fleur se noue,
    Ainsi notre âme à l'heure où le matin s'y joue ;
    Les fruits sont dès avril ce qu'ils seront plus tard ;
    Tels nous-mêmes : l'enfant renferme le vieillard.
    On connaît les efforts de l'humaine culture,
    Et comme elle est savante à changer la nature ;
    Mais nos cœurs et les fruits, pareils en leurs...

  • Comme un insecte, la faucheuse mécanique
    parcourt le foin. Son cliquetis irrégulier
    semble accroître la torpeur qui se communique
    à la vigne et à l’horloge de l’escalier.
    Laissez-moi ne penser à rien. C’est un ennui
    que de n’entendre parler que d’appendicite,
    de Nietzsche, de la Vie, d’on ne sait quoi ensuite.
    Les cornes des beaux bœufs luisent...

  •  

    Comme une herbe sans eau, comme une fleur aride
    Qui s’éteint sans parfums sous les feux de l’été,
    Mon âme, loin de toi, mon âme est morne et vide :
              En te quittant j’ai tout quitté !

    La ville et ses splendeurs, la nature et ses charmes,
    Rien n’a rendu le calme à ce cœur tourmenté.
    Mon front est sans pensée et mon œil est sans larmes :...