• X

    Si vous continuez d'être ainsi toute pâle
    Dans notre air étouffant,
    Si je vous vois entrer dans mon ombre fatale,
    Moi vieillard, vous enfant ;

    Si je vois de nos jours se confondre la chaîne,
    Moi qui sur mes genoux
    Vous contemple, et qui veux la mort pour moi prochaine,
    Et lointaine pour vous ;

    Si vos mains...

  • Archimede abusé pendant que tu t’abuse
    A peindre sur la poudre, & d’un baston d’airain
    Tracer un cercle rond, l’exercite Romain
    Surprent, sans y penser, ta chere Syracuse.

    Homme mal advisé, pendant que tu t’amuse
    A mille fols pensers, le trespas incertain
    Meurdre, peste, & fureur, te pendent sur le sein,
    Et la mort devant Dieu de vanité t’...

  • Les hommes sont aux champs et chaque maison vide,
    Muette et close aux feux étouffés du soleil,
    Sous le poids lourd d’un ciel à l’ardoise pareil,
    S’endort dans la torpeur de son ombre livide.

    Miroitement aigu dans ce calme de mort,
    La tuile qui reluit a des éclairs farouches
    Et sur le fumier vibre un tourbillon de mouches,
    Sous les traits acérés du...

  • Minuit. — La bise mord comme sur l’esplanade
    Du château d’Elseneur, pendant la promenade
    Que je fais, l’arme au bras, bizarre, dans mon coin.
    Je veille sur six cent trente bottes de foin.
    Telle est ma fonction à l’heure des doux rêves.
    Un petillement sourd de fusillades brèves
    Succède, par moments, au silence profond.
    Bon. Ce sont nos amis de là-bas...

  • Je regarde sortir les gamins de l’école.
    Tatoués d’encre, et gais, ils traînent en marchant
    Sur les trottoirs jaunis par le soleil couchant,
    Quelque livre en lambeaux qu’unit en vain la colle.

    A cloche-pied, avec des cris aigus, les grands
    Exécutent les pas d’une sauvage danse ;
    D’autres, les tout petits, abandonnent les rangs,
    Pour boire avec délice...

  • La barque est petite, et la mer immense ;
    La vague nous jette au ciel en courroux,
    Le ciel nous renvoie au flot en démence :
    Près du mât rompu prions à genoux !

    De nous à la tombe il n’est qu’une planche.
    Peut-être ce soir, dans un lit amer,
    Sous un froid linceul fait d’écume blanche,
    Irons-nous dormir, veillés par l’éclair !

    Fleur du paradis...

  • IX

    Poète, ta fenêtre était ouverte au vent,
    Quand celle à qui tout bas ton cœur parle souvent
    Sur ton fauteuil posait sa tête :
    "Oh ! disait-elle, ami, ne vous y fiez pas !
    Parce que maintenant, attachée à vos pas,
    Ma vie à votre...

  • Pendant que la mer gronde et que les vagues roulent,
    Et que sur l’horizon les tumultes s’écroulent,
    Ce veilleur, le poète, est monté sur sa tour.

    Ce qu’il veut, c’est qu’enfin la concorde ait son tour.

    Jadis, dans les temps noirs comme ceux où nous sommes,
    Le poète pensif ne se mêlait aux hommes
    Que pour les désarmer et leur verser son cœur ;
    Il...

  •  
        Vous avez entr’ouvert vos lèvres cette nuit
        Et j’ai cru que c’était pour des paroles basses,
        Mais vous avez laissé retomber vos mains lasses…
        Vous avez soupiré, c’était à peine un bruit.

        Moi je vous regardais, je regardais cet ambre
        Rouge et or profond que sont vous doux cheveux…
        Je tenais dans mes mains le plus cher de...

  • C’est la huitième journée
    De la bataille donnée
    Aux bords du Guadalèté
    Maures et chrétiens succombent,
    Comme les cédrats qui tombent
    Sous les flèches de l’été.

    Sur le point qui les rassemble
    Jamais tant d’hommes ensemble
    N’ont combattu tant de jours ;
    C’est une bataille immense
    Qui sans cesse recommence,
    Plus formidable...