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    I

    La Rose dit un jour en pleurant : « Je m’ennuie !
    Mon beau temps est fini. L’homme a fait l’air impur,
    L’haleine des cités me dérobe l’azur
    Et le zéphyr m’apporte une âcre odeur de suie.

    « Plus de claires villas dans l’air libre, en pleins champs
    Partout des murs, partout de la pierre et de l’ombre,
    Partout un pavé dur qu’à flots pressés...

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    Vous n’avez point voulu m’écouter… mais qu’importe ?
    O vous dont le courroux vertueux s’échauffa
    Lorsque j’osai venir frapper à votre porte,
    Vous ne cueillerez point les roses de Psappha.

    Vous ne verrez jamais les jardins et les berges
    Où résonna l’accord puissant de son paktis,
    Et vous n’entendrez point le chœur sacré des vierges,
    Ni l’hymne...

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    Un jour, errant, perdu dans un désert sans borne,
    Un pâle voyageur cheminait lentement ;
    Autour de lui dormait la solitude morne,
    Et le soleil brûlait au fond du firmament.

    Pas une goutte d’eau pour sa lèvre en détresse !
    Pas un ombrage frais ! pas un souffle de vent !
    Nulle herbe, nul gazon ; et la plaine traîtresse
    N’offre à son pied lassé...

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    Si mon amour était cet arbuste aux fleurs blanches,
    Ce beau lilas d’avril, la grâce du printemps ;
    Si, moi-même, j’étais l’oiseau qui dans ses branches
    Vient reposer son aile et chanter par instants ;
    Combien je gémirais si les bises sauvages
    Glaçaient la tête en fleur de mon arbuste aimé !
    Mais que je bénirais, joyeux, dans ses feuillages,...

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    Ce sont deux frais séjours, deux vrais nids de fauvettes,
    Faits pour des heureux ;
    Deux villas comme seuls en rêvent les poëtes
    Et les amoureux.

    L’une est couleur de rose, et l’autre toute blanche ;
    Leurs toits sont couverts,
    Le printemps et l’été, comme d’une avalanche
    De grands rameaux verts.

    Sons le dais parfumé que leur font les...

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    Sur un îlot désert de l’Ottawa sauvage,
    Le voyageur remarque, à deux pas du rivage,
    Un tertre que la ronce achève de couvrir :
    Un jour quelqu’un, ici, s’arrêta pour mourir.

    L’humble tombe des bois n’a ni grille ni marbre ;
    Mais, poëte naïf, à l’écorce d’un arbre
    Cet étrange mourant confia son regret,
    Jetant sa plainte amère au vent de la forêt...

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    Salut ! Père-des-Eaux, fécond Meschacébé,
    Fleuve immense qui tiens tout un monde englobé
    Dans tes méandres gigantesques !
    Toi dont les flots sans fin, rapides ou dormants,
    A des bords tout peuplés de souvenirs charmants
    Chantent cent poëmes dantesques !

    Comme l’antique Hercule, ô colosse indompté,
    Tu t’en vas promenant ta fière majesté
    ...

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    Dix printemps n’avaient pas encore
    Fleuri sur son front pâle et doux ;
    De ses grands yeux fixés sur nous
    S’échappaient des rayons d’aurore.

    L’enfance avec tous ses parfums,
    Rayonnante comme un symbole,
    Enveloppait d’une auréole,
    Les ondes de ses cheveux bruns.

    Sa petite âme, à la lumière,
    Rose mystique, s’entr’ouvrait ;
    ...

  • Dans les caveaux d’insondable tristesse
    Où le Destin m’a déjà relégué ;
    Où jamais n’entre un rayon rose et gai ;
    Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,

    Je suis comme un peintre qu’un Dieu moqueur
    Condamne à peindre, hélas ! sur les ténèbres ;
    Où, cuisinier aux appétits funèbres,
    Je fais bouillir et je mange mon cœur,

    Par instants brille, et...

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    O soir charmant ! La nuit aux voix mystérieuses
    Nous caressait tous trois de ses molles clartés ;
    Et nous contemplions, moi rêveur, vous rieuses,
    De la lune et des flots les magiques beautés.

    Le steamer qu’emportait la roue au vol sonore,
    Eparpillait au loin, sur le fleuve écumeux,
    Des gerbes de lumière et des reflets d’aurore,
    Qui s’...