• X

    Si vous continuez d'être ainsi toute pâle
    Dans notre air étouffant,
    Si je vous vois entrer dans mon ombre fatale,
    Moi vieillard, vous enfant ;

    Si je vois de nos jours se confondre la chaîne,
    Moi qui sur mes genoux
    Vous contemple, et qui veux la mort pour moi prochaine,
    Et lointaine pour vous ;

    Si vos mains...

  • La barque est petite, et la mer immense ;
    La vague nous jette au ciel en courroux,
    Le ciel nous renvoie au flot en démence :
    Près du mât rompu prions à genoux !

    De nous à la tombe il n’est qu’une planche.
    Peut-être ce soir, dans un lit amer,
    Sous un froid linceul fait d’écume blanche,
    Irons-nous dormir, veillés par l’éclair !

    Fleur du paradis...

  • IX

    Poète, ta fenêtre était ouverte au vent,
    Quand celle à qui tout bas ton cœur parle souvent
    Sur ton fauteuil posait sa tête :
    "Oh ! disait-elle, ami, ne vous y fiez pas !
    Parce que maintenant, attachée à vos pas,
    Ma vie à votre...

  • Pendant que la mer gronde et que les vagues roulent,
    Et que sur l’horizon les tumultes s’écroulent,
    Ce veilleur, le poète, est monté sur sa tour.

    Ce qu’il veut, c’est qu’enfin la concorde ait son tour.

    Jadis, dans les temps noirs comme ceux où nous sommes,
    Le poète pensif ne se mêlait aux hommes
    Que pour les désarmer et leur verser son cœur ;
    Il...

  •  
        Vous avez entr’ouvert vos lèvres cette nuit
        Et j’ai cru que c’était pour des paroles basses,
        Mais vous avez laissé retomber vos mains lasses…
        Vous avez soupiré, c’était à peine un bruit.

        Moi je vous regardais, je regardais cet ambre
        Rouge et or profond que sont vous doux cheveux…
        Je tenais dans mes mains le plus cher de...

  • C’est la huitième journée
    De la bataille donnée
    Aux bords du Guadalèté
    Maures et chrétiens succombent,
    Comme les cédrats qui tombent
    Sous les flèches de l’été.

    Sur le point qui les rassemble
    Jamais tant d’hommes ensemble
    N’ont combattu tant de jours ;
    C’est une bataille immense
    Qui sans cesse recommence,
    Plus formidable...

  •  
    Quand tu dormais sous la ramée,
    Frêle oiseau, sans ailes encor,
    Invisible et de ruse armée,
    Une main sur toi s’est fermée
    Et du ciel priva ton essor.

    Et tu grandis dans l’esclavage,
    Exilé de l’air et des bois,
    Rêvant peut-être un lieu sauvage
    Plein de silence et de feuillage,
    Où libre pût monter ta voix.

    Quand tu parus dans...

  • Après une chaleur si dure
    Tout se rafraîchit pour l'instant.
    La pluie est absorbée autant
    Par le roc que par la verdure.

    Terrains noirs, sillons bruns et roux,
    Prés et bois, les pentes, les trous,
    Toute la campagne qui songe
    S'en imbibe, la boit, l'éponge.

    Les pauvres herbes altérées,
    Les mousses du val, du coteau,
    La...

  • Les étoiles, points d'or, percent les branches noires ;
    Le flot huileux et lourd décompose ses moires
    Sur l'océan blêmi ;
    Les nuages ont l'air d'oiseaux prenant la fuite ;
    Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite,
    Comme un homme endormi.

    Tout s'en va. La nature est l'urne mal fermée.
    La tempête est écume et la flamme est fumée.
    ...

  • Si vous continuez d'être ainsi toute pâle
    Dans notre air étouffant,
    Si je vous vois entrer dans mon ombre fatale,
    Moi vieillard, vous enfant ;

    Si je vois de nos jours se confondre la chaîne,
    Moi qui sur mes genoux
    Vous contemple, et qui veux la mort pour moi prochaine,
    Et lointaine pour vous ;

    Si vos mains sont toujours diaphanes et...