• Votre tête ressemble au marmouset d'un cistre,
    Vos yeux au point d'un dé ; vos doigts un chalumeau ;
    Votre teint diapré l'écorce d'un ormeau ;
    Votre peau le revers d'un antique registre.

    Votre gorge pendante un bissac d'un bélître ;
    Votre vieil embonpoint à celui d'un rameau ;
    Votre longue encolure à celle d'un chameau ;
    Votre bras à du plomb qui...

  • Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
    Un amour éternel en un moment conçu :
    Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
    Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

    Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
    Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
    Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
    N'osant rien demander et n'ayant rien...

  • J'avais toujours rêvé le bonheur en ménage,
    Comme un port où le c?ur, trop longtemps agité,
    Vient trouver, à la fin d'un long pèlerinage,
    Un dernier jour de calme et de sérénité.

    Une femme modeste, à peu près de mon âge
    Et deux petits enfants jouant à son côté ;
    Un cercle peu nombreux d'amis du voisinage,
    Et de joyeux propos dans les beaux soirs d'été....

  • Que le monde est constant en instabilité,
    Si l'on jouit d'une aise, au moins de l'apparence,
    Tantôt le sort muable en tranche l'espérance,
    Et tout est envieux de la félicité.

    Or' j'étais dédaigné de la feinte beauté
    Qui, par mille tourments, a prouvé ma constance,
    Ores, de mes douleurs, elle prend connaissance,
    Puis volage se rit de mon infirmité...

  • Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
    Évoque un souvenir fragilement rosé,
    Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
    De ta naïveté fraîche de porcelaine.

    Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
    N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
    Ni ton étonnement puéril et rusé...
    Ô frissons de ta nuque où brûlait mon haleine !
    ...

  • Dans le soir triomphal la froidure agonise
    Et les frissons divins du printemps ont surgi ;
    L'Hiver n'est plus, vivat ! car l'Avril bostangi,
    Du grand sérail de Flore a repris la maîtrise.

    Certe, ouvre ta persienne, et que cet air qui grise,
    Se mêlant aux reflets d'un ciel pur et rougi,
    Rôde dans le boudoir où notre amour régit
    Avec les sons mourants que...

  • Au lecteur des 'Nouvelles récréations et joyeux devis'.

    Hommes pensifs, je ne vous donne à lire
    Ces miens devis, si vous ne contraignez
    Le front maintien de vos fronts rechignés ;
    Ici n'y a seulement que pour rire.

    Laissez à part votre chagrin, votre ire,
    Et vos discours de trop loin désignés.
    Une autre fois vous serez enseignés ;
    Je me...

  • S'habiller bravement, s'ombrer de fards menteurs,
    D'un mauvais mot nous feindre une éloquence,
    Apprendre à bégayer, n'aller qu'à révérence,
    Et n'être aucunement sans servants serviteurs,

    Recevoir le poulet, le plumer par humeurs,
    Porter un éventail qui sert de contenance,
    Avoir plus d'appareil que de vraie contenance,
    Et hiéroglyphiquer en...

  • Par les pays des soirs, au nord de ma tristesse,
    Mous d'automne, le vent se pleure en de la pluie
    Et m'angoisse soudain d'une nuée enfuie,
    Avec un geste au loin d'âpre scélératesse.

    Est-ce la mort qu'annoncerait la prophétesse,
    Au fond de ce grand ciel d'octobre où je m'ennuie
    - Depuis quel temps ? - à suivre un vol d'oiseaux de suie
    Tourner dans l'...

  • Quand, par un jour de pluie, un oiseau de passage
    Jette au hasard un cri dans un chemin perdu,
    Au fond des bois fleuris, dans son nid de feuillage,
    Le rossignol pensif a parfois répondu.

    Ainsi fut mon appel de votre âme entendu,
    Et vous me répondez dans notre cher langage.
    Ce charme triste et doux, tant aimé d'un autre âge,
    Ce pur toucher du coeur...