• Si je voulais chanter ma voix se briserait
    Comme celle des fous dans le rire et les larmes,
    Mon bras, tout las qu’il est, se crispe sur ses armes,
    Ma lèvre resserrée a gardé son secret,
    Si je voulais chanter ma voix se briserait.

    Je sens encor le froid du fer dans ma blessure,
    La pourpre de mon sang a teint les buissons verts.
    Que dirais-je à l’écho...

  • Vêtus de bure blanche et de noirs scapulaires,
    Cent moines sont assis aux bancs Capitulaires.
    Ayant psalmodié l’Angelus Domini
    Et clos les lourds missels sous le vélin jauni,
    Sans plus mouvoir la lèvre et cligner la paupière
    Que les Saints étirés dans les retraits de pierre,
    Impassibles comme eux, ils attendent, les bras
    En croix. La cire flambe...

  • Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.
    Il brûle tout, hommes et choses,
    Dans sa placide cruauté.

    Il met le désir effronté
    Sur les jeunes lèvres décloses ;
    Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.

    Roi superbe, il plane irrité
    Dans des splendeurs d’apothéoses,
    Sur les horizons grandioses ;
    Fauve...

  • Avril, à l’incarnat frêle et poudré de givre,
    Nous tient encor troublés de son charme incertain ;
    Lorsque Mai, couronné de roses, un matin,
    Sort des brumes, tenant la coupe où tout s’enivre.

    La belle au bois dormant qu’il réveille et délivre,
    L’Idylle, vers les monts bleuissant au lointain,
    Court avec lui parmi la rosée et le thym,
    Mêlant le...

  • Il avait sur l’échine une croix pour blason !
    Poussif, galeux, arqué, chauve et la dent pourrie,
    Squelette, on le traînait, hélas ! à la voirie.
    Je l’achetai cent sous ; il loge en ma maison.

    Sa langue avec amour épile ma prairie
    Et son œil réfléchit les arbres, le gazon,
    La broussaille et les feux sanglants de l’horizon ;
    Sa croupe maintenant n’est...

  • Naufragé converti, j’ai voué ma carène
    Au repos absolu ; je vous renonce, ô mers !
    Et vous, dangers aimés, traîtres cieux, bords pervers,
    Hurlements de Charybde, appels de la Syrène !

    Ainsi je me berçais sur la plage sereine,
    Lorsqu’un cri de détresse émeut soudain les airs,
    Et j’aperçois, roulant parmi les flots amers,
    Une pâle beauté dont la perte...

  • L’immensité t’écrase, — impasse
    Dont les sphères sont l’horizon ;
    Regarde à tes pieds, ô Raison !
    Les cieux sont hauts, ta vue est basse.

    Vois ! pour l’humble ciron qui passe,
    L’univers est fait d’un gazon ;
    Une heure écoule une saison ;
    Le point lui-même est un espace.

    De ces infiniment petits,
    Les impalpables sont sortis,
    Les...

  • Arlequin au nez noir, Pierrot au masque blême
    Me font envie ; et c’est mon intime souhait
    De vivre dans ce monde idéal et muet,
    Où, comme parmi nous, l’on s’agite et l’on aime.

    L’un ou l’autre incarnant mon esprit inquiet,
    Je tournerais dans un rôle toujours le même,
    Sur la pointe du pied, jusques au souffle extrême
    D’un orchestre jouant des airs de...

  • Le grand travail est fait, l’effort est consommé,
    La victoire est gagnée et la paix obtenue,
    La tranquille douceur des soirs est survenue ;
    Pardonnant et priant, le cœur a désarmé !

    L’entier détachement de tous et de soi-même
    A clos le sacrifice et scellé le passé :
    Se pourrait-il qu’un jour tout fût recommencé
    Et qu’on osât rouvrir le décevant poëme...

  • L’aube est volcan ; midi, fournaise ; août fait éclore
    Comme un embrasement le baiser de l’été ;
    Il ruisselle des cieux, écrasante clarté ;
    L’horizon le déchaîne, orageux météore.

    Que faire par ce temps de chaleur qui dévore ?
    S’étendre au cours de l’eau dans un bois écarté,
    Tandis que sur le chêne, en dôme frais voûté,
    La cigale emplit l’air de sa...